Les lettres inédites de Joseph Zobel

Extrait de : Emily Zobel Marshall et Jenny Zobel, « « Comme si c’était chez moi » : Joseph Zobel à Paris à travers ses lettres (1946-1947)  », Continents manuscrits [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 15 mars 2017, consulté le 21 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/coma/853 ; DOI : 10.4000/coma.853

Jenny Zobel, fille de l’écrivain martiniquais Joseph Zobel, et Emily Zobel Marshall, petite-fille de Joseph Zobel, ont découvert récemment des manuscrits inédits de leur père et grand-père. 

Portrait de Joseph Zobel

Il s’agit, d’une part, d’une collection de lettres envoyées par Joseph en 1946-1947 depuis Paris à sa femme et à son ami martiniquais Valbrun Apat, et, d’autre part, d’extraits de son journal intime des années 1940. Elles nous proposent une analyse qui répondrait à la question « Qu’apporte la lecture de ces manuscrits à l’étude des œuvres de Joseph Zobel ? »

En 1946, Joseph Zobel quitta la Martinique pour Paris. Il partait pour y poursuivre ses études et établir sa réputation d’écrivain. Les lettres que Joseph écrivit pendant son séjour dans la capitale, à sa femme Enny et son ami d’enfance Valbrun Apat nous offrent un rare portrait de la vie d’un écrivain noir immigré et de la vie et de la culture parisiennes, à mi-chemin entre tradition et réforme, tandis qu’il se débat face aux défis posés par cette période d’après-guerre.

Joseph s’embarqua le 29 novembre 1946 à Fort-de-France, à bord du Colombie

Joseph s’embarqua le 29 novembre 1946 à Fort-de-France, à bord du Colombie, un paquebot qui allait jouer un rôle vital pour lui pendant cette année. Auteur d’un recueil de nouvelles, Laghia de la Mort, et de plusieurs articles pour le journal de Fort-de-France, Le Sportif, cet écrivain en herbe avait 31 ans. Enny restait au pays pour attendre la naissance de leur troisième enfant. Pour Joseph, comme pour de nombreux Martiniquais qui avaient reçu une éducation française à l’école du village, la France représentait le pays des opportunités. C’était le berceau de la langue et de la culture françaises, sans lesquelles on ne pourrait pas progresser dans la vie. Joseph était convaincu que la France le reconnaîtrait et l’établirait comme un écrivain célèbre et respecté. Ce qu’il ne soupçonnait pas, c’est à quel point ce départ, en fait, serait définitif, puisque qu’il ne retournerait jamais vivre en Martinique.

Les lettres de Joseph passent allègrement du grandiose au prosaïque, de la métaphysique aux détails domestiques, des méditations sur la nature de l’être humain à la description minutieuse d’assiettes et de casseroles neuves. Elles nous offrent une perspective de sa détermination, de son sentiment de libération, loin des contraintes de la Martinique, de ses bouffées d’espoir et aussi de ses combats et son amour compliqué pour son île natale. Les lettres fournissent des instructions détaillées aux destinataires. Par ailleurs, dans l’une, on trouve l’autoportrait d’un exilé déprimé, dans une autre, le héros d’une histoire de brillante réussite, fêté par l’intelligentsia parisienne.

Soigneusement pliées et rangées dans un petit sac en tissu madras bleu et rouge…

C’est Enny, âgée de 90 ans, et dans une maison de retraite, qui donna un jour ces lettres à Jenny. La femme de l’écrivain les avait conservées toute sa vie comme un trésor. Soigneusement pliées et rangées dans un petit sac en tissu madras bleu et rouge, qu’elle avait dû coudre spécialement, les vingt-cinq missives écrites à l’encre sur fin papier bleu, témoignages d’amour, de frustrations et d’exaltation, avaient passé toutes ces années au fond d’un tiroir secret de son armoire. Il faut noter que Joseph, lui, n’avait pas gardé les lettres de sa femme, ce qui fait que malheureusement, le dialogue est dans un sens seulement. On ne peut que deviner les réponses d’Enny par les références faites par Joseph au contenu de ses lettres.

Lire ces lettres ici : https://journals.openedition.org/coma/853

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