Ernest Breleur

Ernest Breleur - Rivière-Salée

Agé de 72 ans, Ernest Breleur est « né à la campagne » comme il dit, près de la commune de Rivière-Salée en Martinique. Son père était agriculteur et sa mère institutrice. Après des études de comptabilité, sur l’insistance de ses parents qui voulaient qu’il ait « un métier », Ernest Breleur entreprend des études d’arts appliqués. Avec succès. Il commence d’abord par peindre, et crée le groupe artistique Fwomagé en Martinique. Mais en 1992, il réalise ses dernières toiles et arrête la peinture.

Ernest Breleur - Rivière-Salée

Ernest Breleur, est aujourd’hui une figure majeure de l’art contemporain dans la Caraïbe et à l’internationale. Peintre prolifique et très engagé, il sera à l’origine de la création du groupe Fwomajé, qui marquera le champ de l’histoire de l’art en Martinique. Après l’écriture d’un manifeste de rupture en 1989 avec ce dernier, Ernest B. va inlassablement interroger la peinture en questionnant l’espace avec une certaine frénésie.
Au nombre de ces œuvres on retiendra la réalisation de la fresque murale de la place Stéphen

Place Capitaine Pierre Rose - Rivière-Salée (Martinique)
Place Capitaine Pierre Rose – Rivière-Salée (Martinique)

PIERRE-ROSE, inaugurée en 2007 par la ville.
Fresque qui met en valeur les anciens et l’actuel maire de la ville.

L’artisanat amateur à Rivière-Salée

Les artisans d'art en Martinique - Rivière-Salée
  • Lucette CELESTIN (bijoux acier)
  • Guy SAVY (peintures)
  • Eliane SINGA (meubles bois/ objets de décorations)
  • Véronique CESAIRE
  • Frantz VALENTIN (bijoux en fibres végétales)
  • Gilberte LOURI (Cartonnerie)
  • Karine BELLONY (peintures sur verre)
  • Marie MA (broderie)
  • Evelyne COSKA (Bijoux et liqueurs pays)
  • Elvire JOSEPH Meubles en carton
  • Patrick FLORIMOND; Objet en bois

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Toutes les chorales de Rivière-Salée

Toutes les chorales de Rivière-Salée
  • Voix de la vallée – Marie Flore SIBERAN
  • Torrent de grâce – Tony TIRAULT
  • Chorale Saint – Jean Baptiste Emma ZONZON
  • Chorale de Petit Bourg – Rose ange BONHEUR
  • LINITE – Roselyne DOURRE
  • Voix du désert (groupe vocal d’hommes) – Philippe GLAUDE
  • Chorale de la cathéchèse – Manuela ANDRE
  • ACIER TREMPE – Mireille DESPORTES
  • VALEURS SALEENNES – Gabriel SAINTE ROSE
  • Chorale du foyer de Guinée – Benjamin ARNAUD

Une visite chez les agriculteurs de la commune (1988)

Visite chez Mme Présent - Rivière-Salée 1989

Le vendredi 29 avril 1988, nous sommes allés chez deux agriculteurs de la commune, nous étions accompagnés par deux professeurs : Madame SIBERAN et Monsieur DUCALCON.

Classe : 5 à 19 élèves assurés

Professeurs responsables : Madame SIBERAN et Monsieur DUCALCON.

Elèves enquêteurs :

Visite chez un agriculteur en Martinique en 1989
Les jeunes enquêteurs
  • BONHEUR Annie
  • JORDANE Yannick
  • HADRICOT Muriel
  • COQ Hubert
  • RANLIN Muriel
  • LAGUERRE Medge
  • RAVIN Nanedja
  • PRESENT Pegguy
  • GABORY Joan
  • PREVOTEAU David
  • CABASSET Sandra
  • PRESENT Alain Philippe
  • VALIAME Jean
  • MOMPELAT Claude
  • PRUDHOMME Philippe
  • CRIART Rodolphe
  • CHONVILLE Marie-Christine
  • CHARLES CHARLERY Stella
  • LUGSOR Sandrine

 

Nous nous sommes d’abord rendus chez Monsieur Guy RANLIN qui nous a reçus avec beaucoup de gentillesse et a répondu à toutes nos questions.

Visite chez un agriculteur en Martinique
Chez M Ranlin – Rivière-Salée

M. RANLIN est un agriculteur relativement jeune (une quarantaine d’années) qui se consacre à cette activité depuis plus de 20 ans. Il a pris la succession de son père alors qu’il avait 21 ans. Son exploitation d’une superficie de 75 hectares se trouve au quartier Thoraille. La principale culture est celle de la canne, mais pendant l’entre-récolte, des surfaces sont plantées en maraicher : concombre, laitue, tomate. La production est livrée à une coopérative : la SOCOPMA.

M. RANLIN emploie de manière permanente une quinzaine d’ouvriers dont certains assurent l’entretien du matériel. Le personnel comprend également un secrétaire et un mécanicien. Quand arrive la récolte, il fait appel à des travailleurs sainte-luciens. L’ouvrier agricole martiniquais répugnant de plus en plus à couper la canne, se tournant de préférence vers le bâtiment ou autres petits emplois du tertiaire. Les travailleurs sainte-luciens sont logés sur l’exploitation  et payés à la tâche : ils reçoivent les mêmes salaires et bénéficient de la même protection sociale que les autochtones. Ils doivent obligatoirement rentrer chez eux une fois la récolte terminée.

Visite chez un agriculteur en Martinique en 1989
Les jeunes enquêteurs

M. RANLIN nous montre les engins nécessaires à la mise en valeur de l’exploitation :

  • – pelle mécanique
  • – tracteurs
  • – chariots
  • -canneloader

La coupe de la canne se fait de manière traditionnelle car l’achat d’une machine à couper la canne nécessiterait un investissement trop lourd d’autant que lorsque celle-ci tombe en panne, elle reste immobilisée au moins deux ou trois mois, temps souvent nécessaire à la réception des pièces de rechange. M. RANLIN énumère les différentes opérations nécessaires à la culture de la canne. Il évoque aussi les problèmes qui y sont liés : un avenir plutôt sombre quant à la production du sucre.

Visite chez un agriculteur en Martinique
Chez M Ranlin – Rivière-Salée

Le chemin d’accès a souffert des fortes pluies du dernier hivernage et chaque cahot du car sur cette voie raboteuse est salué par un concert de cris  et de rires. Nous apprécierons fort cette échappée qui nous fait découvrir un univers tellement différent de celui du collège.

  • C’est ici, nous annonce Peggy, notre camarade de classe qui est aussi la fille de l’agricultrice.

Nous descendons du car mais nous avons beau écarquiller les yeux, nous ne découvrons pas d’exploitation, seulement des broussailles. Peggy nous regarde amusée. L’exploitation n’est pas près de la route, il faut traverser cette friche. Ce n’est pas chose facile car le terrain présente maints creux et bosses. C’est l’occasion pour nous de nous rappeler ce qu’est le relief. Nous devons même traverser à gué une petite rivière.

Enfin, nous déboucherons sur une bananeraie ; nous apercevons madame PRESENT. Elle nous accueille par un large sourire, se présente et répond à nos questions.

Madame PRESENT Ghislaine est une jeune femme de 33 ans qui a embrassé le métier d’agricultrice, il y a 3 ans. Elle travaillait en métropole (mais un beau jour elle eut la nostalgie de son île, aussi prit-elle la décision de revenir au pays. Mais une fois sur place, elle se vit condamné au chômage. Que faire ? Elle n’était pas femme à accepter avec résignation une telle situation. Elle décida de se reconvertir dans l’agriculture. Avec quelques économies et un prêt consenti par une banque, elle fit l’acquisition de cette exploitation de 7 ha, suivit un stage de formation de 9 mois et s’attela à la tâche.

Visite chez Mme Présent - Rivière-Salée 1989
Visite chez Mme Présent

Elle opta pour une diversification de sa production et planta 5 hectares en banane d’exploitation, 1 hectare en maraichers, ½ hectares en vivriers (ignames, choux…).

Une rivière traverse l’exploitation, c’est une chance car même pendant le carême les cultures ne souffrent pas de ce déficit en pluie : l’eau captée grâce à une pompe, permet pendant la saison sèche d’irriguer les surfaces plantées en maraîchers en banane.

Madame PRESENT ne dispose pas de gros matériel pour préparer sa terre, elle fait appel à un autre agriculteur du coin qui lui, possède un tracteur. Son mari et des parents l’aident ponctuellement lorsqu’il y a de gros travaux, et quand elle doit livrer de la banane, elle embauche des ouvriers du quartier.

Debout près de la pépinière, nous écoutons madame PRESENT qui nous énumère tous les travaux qui sont nécessaires à la culture de la plante, depuis la mise en terre de la graine jusqu’à la récolte, les soins constants à apporter, la vigilance de tout instant, les traitements à base de pesticides pour éliminer tout ce qui peut nuire aux plantes :

Maladies comme la cercospariose mosaïque, bestiole endommageant les fruits :

Charançon, nématodes, thrips, araignées rouges…

Elle nous conduit dans le hangar où se font les opérations de conditionnement des fruits ; ces opérations doivent être exécutées selon un ordre précis pour mettre sur le marché un fruit de qualité. « Tout hangar, nous dit-elle, doit être équipé de penderies mobiles, car le stockage à terre est à proscrire absolument ».

Après dépattage, les mains de banane vont dans un bac de lavage où elles sont nettoyées, puis dans un bac de rinçage où sera éliminée toute la sève s’écoulant des surfaces de coupe. Les fruits trempent ensuite 2 à 3 minutes dans une solution de produit fongicide qui les protègera contre le développement des champignons. Ils sont alors rangés sur une table où ils vont s’égoutter avant emballage. Le mode d’emballage devra préserver l’intégrité des fruits et être conforme à la réglementation.

Les cartons sont chargés dans les conteneurs soit directement sur la plantation soit après regroupement dans des centres d’empotages.

Visite chez Mme Présent - Rivière-Salée 1989
Rivière-Salée, ici tout pousse à prendre racine

Madame PRESENT insiste beaucoup sur le critère de qualité auquel doit répondre la banane martiniquaise car avec le marché unique européen elle aura à subir sans protection aucune de la concurrence des productions des pays A.C.P. Aussi, doit-elle être la meilleur possible.

Madame PRESENT nous parle avec fougue de son métier ; métier passionnant mais qui demande un très gros investissement personnel et énormément de sacrifices : être tous les jours sur l’exploitation, ne jamais avoir de vacances, se contenter de revenus assez justes car il faut rembourser les prêts consentis par les banques, subir les aléas du climat, les variations des cours de la production… Nous nous rendons compte que ce n’est pas un métier facile.

Elle nous parle de ces projets :

  • Construire une porcherie afin de pouvoir utiliser les fruits qui n’ont pas été exportés, les déchets dit-elle.
  • Pouvoir habiter sur son exploitation afin de gagner en temps et en tranquillité car elle habite Desmarinières, et , pendant son absence sa propriété est souvent visité par des gens indélicats qui la devance pour les récoltes des melons, concombres, laitue et autres.

En vraie, maman, elle a pensé que cette marche à travers la campagne aurait provoqué notre soif. Aussi , nous a-t-elle préparé des rafraichissements que nous savourons tout en l’écoutant.

Nous admirons cette femme, chef d’exploitation, qui avec énergie et un courage remarquable, surmonte bien des difficultés pour exercer ce métier si difficile.

La visite est achevée, nous avons beaucoup appris, nous remercions madame PRESENT pour son accueil et l’inlassable patience dont elle a fait preuve en répondant à nos nombreuses questions.

Sur le chemin du retour, nous devons traverser cette friche qui précède l’exploitation. Le petit cours d’eau tente les amateurs d’écrevisses.

L’agriculture à Rivière-Salée

Rivière-Salée - Commune de Martinique

Autrefois une riche plaine à sucre

Rivière-Salée a depuis toujours eu, une vocation agricole. Mais pendant de longues années, la canne à sucre a occupé aussi bien la plaine alluviale que les mornes environnants. On peut dire, sans tomber dans des excès que la localité se consacrait à une véritable monoculture de la canne, les cultures vivrières n’occupant qu’un espace insignifiant.

Récolte de la canne - Martinique - Rivière-Salée - © photo Pierre Courtinard
Récolte de la canne – Martinique – Rivière-Salée – © photo Pierre Courtinard

Maintenant un terroir tourne vers l’élevage

On constate depuis quelques années une diminution progressive des terres cultivées au profit des terres d’élevage, un élevage bovin surtout pratiqué de façon extensive. Cette nouvelle orientation se fait surtout au détriment de la canne à sucre.

En 1973, l’utilisation du sol était la suivante :

  • Prairies et parcours……………………………………  46%
  • Cannes………………………………………………………   42%
  • Cultures vivrières………………………………………    6%
  • Banane……………………………………………………..    5%
  • Verger………………………………………………………  0,8%
  • Divers……………………………………………………….  0,2%

En 1981, une révolution s’affirme :

  • Prairies et parcours……………………………………   52%
  • Cannes………………………………………………………   35%
  • Cultures vivrières………………………………………     7%
  • Banane……………………………………………………..     5%
  • Verger………………………………………………………      1%

L’édilité saléenne a depuis longtemps doté la commune d’un P.O.S. Celui-ci a été approuvé en 1981. Dans ce P.O.S la zone NC, zone de richesse économique, zone agricole couvre plus de 3000 hectares. Le chiffre témoigne de la volonté de l’équipe municipale à préserver l’espace agricole de la commune, y compris 366 hectares d’espaces naturels faisait partie du domaine public maritime, dont le Groupe de Travail a estimé nécessaire de classer.

Les zones NA

Elles  sont de trois sortes. Les Zones 1 NA d’urbanisation à très long terme se situent au Sud-Est de Grand-Bourg. A Petit-Bourg, on les rencontre dans le quartier du stade et à l’Est. Dans ce dernier secteur, l’urbanisation se fera après la déviation du cours de la Rivière-Salée.

Les zones 2 NA d’urbanisation à court et moyen terme occupent 73 hectares. Des lotissements et des opérations groupées se feront dans ces zones.

Une zone d’activités 3 NA permettra de fixer les installations artisanales ou industrielles. Située au Sud-Ouest de Grand-Bourg, elle devra être mise hors d’eau.

Les zones NB

Dans ces zones, un effort devra être fait par la commune pour améliorer les équipements existants, d’autant plus que les densités de population s’avèrent relativement élevées (Fonds Masson, Lahaut, Dédé, Sans pareil…). La présence de ces zones doit favoriser le regroupement de l’habitat dans des régions où les équipements de base existent déjà ou sont programmés. La municipalité, dans la mesure où les finances communales le permettent, devra porter l’effort d’équipement dans ces quartiers, une fois les zones urbaines correctement desservies.

La structure foncière est fortement dominée par la grande exploitation. La taille moyenne des exploitations de plus de 10 hectares est de 60 hectares, alors qu’en Martinique la moyenne est de 36 hectares. On note un contraste entre une multitude de petites exploitations et le petit nombre de grands domaines. Les exploitations de moins de 1 hectares sont au nombre de 393 et totalisent une superficie de 89 hectares, tandis que les exploitations de plus de 2 hectares sont au nombre de 13 et totalisent une superficie de 945 ha. Cette disproportion est frappante.

Les grandes exploitations plantées en canne se localisent dans la plaine alluviale ; les autres consacrés à l’élevage se dispersent sur le territoire communal.

Les petites parcelles sont soit la propriété d’ouvriers agricoles tirant l’essentiel de leurs revenus d’un travail salarié sur une exploitation, soit celle de personnes travaillant dans le tertiaire ou dans le secondaire et pour qui cette activité n’est qu’un appoint.

Les petites parcelles sont avant tout des jardins créoles plantés en vivriers : igname, choux, patates, bananes, etc.         

Rivière-Salée au début du XXème siècle

La rue Des Etages - Mairie de Rivière-Salée

Au début du XXème siècle, l’économie sucrière se maintient.
La canne à sucre est omniprésente. Six distilleries (RANLIN, DESPORTES, OZIER LA FONTAINE, BALMELLE, GELAGRE, EMMANUEL, ZONZON) fonctionnent.
Elles produisent du rhum tandis que les usines de Petit-Bourg et de Rivière-Salée fournissent le sucre.

Rivière-Salée est devenue à cette époque, le centre le pus dynamique du sud de la Martinique.

Comment se présentait cette localité ?

Les témoignages recueillis auprès des anciens permettent de s’en faire une idée assez nette.

A la rue Schœlcher, le bourg s’arrêtait au carrefour où sont implantées la parfumerie « TI BAUME » et la boucherie « LE PIED » ;

Au-delà, quelques maisons isolées ne formant pas véritablement corps avec le bourg : une maisonnette, propriété de M. Coulange Octave et qui était devenue un logement d’instituteurs, la maison-Binet (ex : B.N.P.) la gendarmerie. Cette partie de la commune était déjà la campagne.

Ce n’est que beaucoup plus tard qu’à été construit le quartier Courbaril, de la librairie saléenne jusqu’aux écoles.

D’ailleurs, lorsque le maire de l‘époque, Joinville Saint-Prix, décida d’y implanter l’actuel marché couvert, il déclencha un tollé général dans le bourg, les habitants se demandant “de qui avait pu se passer dans la tête de leur maire pour qu’il aille construire un marché jusqu’à… DESMARINIERES !”

Rivière-salée Martinique - photos anciennes
Marché couvert à Riviere-Salée

Toute l’animation se concentrait dans la partie de la commune que nous appelons aujourd’hui « bas du bourg ». Magasins et épiceries y étaient installés. On retrouvait implantées sur ce tronçon de la rue Schœlcher, des succursales des grands magasins de Fort-de-France, Bidaut, Sans-Pareil, Reynoir, Marsan, Mauriello.

A l’Est s’étendait un bois de campêches, entre la rue des Etages et la partie marécageuse où à été implantée la station radio-électronique.

Ce bois faisait la joie des garnements du bourg. C’est là qu’ils passaient le plus clair de leur temps, quand arrivaient les fêtes de Pâques à tendre les pièges à crabes. D’autres jeux les occupaient lors des grandes vacances, débusquer à coup de pierres, le rats qui avaient élu domicile sous les frondaisons ou piéger les malheureux merles qui s’étaient laissés tenter par un appât hélas enrobé de glu.

Les rares rues étaient empierrées ; ailleurs rare aussi étaient les automobiles de la commune ; seulement trois : deux taxis, propriétés Eustache, et une autre appartenant à Madame Binet qui acceptait de faire quelques courses pour des clients de qualité. Les rues étaient éclairées aux réverbères – Grand Bourg ne sera électrifié que dans les années 35.36, Monsieur Marius Letord assurait l’allumage et l’extinction des réverbères. Il effectuait aussi le nettoyage des caniveaux. C’était un peu lui, l’horloge du bourg. Le bruit de sa pelle au fond des caniveaux annonçait le klaxon de la postale qui précédait de peu l’angelus du matin ; cette postale qui s’arrêtait devant le bureau de poste de l’époque, maison Desportes contigüe à celle des Nicar (Chez Malou) rythmait aussi la vie du bourg.

C’était M. Véronique, l’ancien maire du Diamant qui assurait le service entre Diamant et Fort-de-France.

Siège de l'Eclair de Rivière-salée Martinique - photos anciennes
Le marché en plein air – Photo : Coll. Fondation Clément

Le marché se tenait sur la place Gérald Pierre-Rose où se dressait un haut palmier planté dit-on, au moment de l’armistice. Dans un coin, celui qui jouxte le terrain des Beroard du côté de la rue des Etages, s’alignaient les étals de deux ou trois bouchers-Polidor, Beaudy, Louisy-Louis. Ce marché aligné était très animé, car Rivière-Salée était devenue un bourg très actif. Tous les dimanches, les habitants des communes de l’extrême sud venaient s’y approvisionner. Des Trois-Ilets, du Diamant, de Sainte-Luce, on venait acheter des légumes apportés sur mulets bâtés qui arrivaient de Rivière-Pilote, Saint-Esprit et même du Vauclin.

Cette place animait aux fêtes patronales avec les chevaux de bois de Monsieur Dolor, les multiples échoppes décorées de flamboyants où se pressaient paysans  endimanchés venus des mornes environnants, travailleurs des usines tentant leur chance aux multiples jeux de hasard, garnement effrontés échappés furtivement des bicoques, caressant un rêve fou : celui de goûter à tous ces bonheurs interdits.

Biographie d’Euzhan Palcy

Photos du film d'Euzhan Palcy d'après Joseph Zobel

Filmographie

  • 1974 La Messagère (TV)
  • 1982 L’Atelier du diable (CM)
  • 1983 Rue Cases-Nègres
  • 1989 A Dry White Season
    (Une Saison blanche et sèche)
  • 1990 Comment vont les enfants ?
  • 1991 Siméon
  • 1994 Aimé Césaire :
    A Voice For History
  • 1998 Le Combat de Ruby Bridges (TV)
  • 2001 The Killing Yard
  • 2006 Parcours de dissidents
    (documentaire)
  • 2007 Les Mariés de l’Isle Bourbon (TV)

Biographie

Source : canopé

Débuts

Née à la Martinique en 1956, Euzhan Palcy passe son enfance au Gros-Morne.
Elle s’initie au cinéma à la salle paroissiale du village, puis à Fort-de-France.
Elle a une douzaine d’années quand, en 1968, elle assiste au village à une projection d’Orfeu Negro.
Le film de Marcel Camus (1958) est pour elle un choc déterminant : voir sur un écran des Noirs qui s’aiment et s’embrassent comme des Blancs est une révélation.

Elle découvre aussi l’ouvrage de Joseph Zobel, La Rue Cases-Nègres, que lui offre sa mère que ce livre touchait aux larmes.
Dès l’adolescence, alors qu’elle caresse déjà le rêve de devenir réalisatrice, elle songe à adapter son livre de chevet.
À dix neuf ans, elle anime une émission de poésie dans une télévision locale et sort un disque de chansons enfantines (elle est soprano colorature).

En 1974, elle écrit et réalise un téléfilm avec son frère Joël : la diffusion de La Messagère à la télévision antillaise est un succès. Ce titre représente Euzhan Palcy de manière emblématique, elle qui conçoit le cinéma comme une mission, sans militantisme, mais avec le besoin viscéral de dénoncer les injustices.
Sa grande volonté calme où couve la révolte ainsi que sa fine beauté évoquent un autre messager charismatique de la cause noire, le chanteur jamaïcain de reggae rastafari Bob Marley.

Encouragée par son père, elle poursuit à Paris des études de théâtre, de littérature, puis de cinéma à l’École nationale supérieure Louis-Lumière. Après avoir été assistante, elle réalise en 1982 un court métrage pour France 3, L’Atelier du diable, un conte où un enfant s’aventure dans la mystérieuse maison d’un vieux « sorcier » qui vit reclus avec son coq de combat.

Genèse du film “La Rue Cases-Nègres”

Peu après, elle rencontre François Truffaut qui la parraine. Puis arrivent deux jeunes producteurs, Michel Loulergue et Jean-Luc Ormières et surtout le producteur et distributeur Claude Nedjar (Lacombe Lucien de Louis Malle, La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud, etc.) et la société de Louis Malle (la Nef).
Euzhan Palcy obtient pour le scénario adapté de La Rue Cases-Nègres, à l’unanimité du jury, l’avance sur recettes du Centre National de la Cinématographie.
Néanmoins, le montage financier est difficile.
Le projet séduit parce qu’on y voit un petit Français pauvre, Antillais et noir qui s’élève par sa persévérance et grâce à l’éducation dispensée par l’école républicaine. Mais le projet gêne car il rappelle que la République française a été esclavagiste, colonialiste, et que les Antillais en sont la mémoire vivante, les témoins et les victimes.
La crainte de certains bailleurs de fonds est que le film provoque un sentiment de culpabilité de la part de ceux qui ne connaissent pas ou ne veulent pas connaître l’histoire de France.
L’autre crainte des financiers du cinéma est qu’un tel film ne soit communautariste.
Mais derrière cet argument « à l’envers », la véritable interrogation est : en quoi cette histoire de « nègres » va-t-elle intéresser les Blancs, et plus particulièrement les enfants blancs ? (Michel Ocelot, préparant Kirikou, se heurtera au même argument).
La réponse est pourtant simple : deux des attitudes les mieux partagées au monde sont d’une part la haine des autres et de la différence, d’autre part la curiosité, la fascination, le désir pour l’altérité.
Souvent, derrière la différence réelle entre cultures et couleurs de peau, on découvre que nos ressemblances nous unissent autant que nos différences nous attirent.
Le film (dont le budget s’est élevé à environ 3,5 millions de francs, soit environ 500 000 euros) remporte quatre récompenses à la Mostra de Venise, dont le Lion d’Argent et le Prix d’Interprétation pour Darling Légitimus.
L’année suivante (1984), il remporte le César de la meilleure première œuvre.
Rue CasesNègres remporte ainsi plus de dix-sept prix internationaux et obtient un succès public international.

À sa sortie, le film resta quarante semaines en exploitation à Paris où il fit 360 000 entrées.

Après le beau temps

La même année, Robert Redford offre à Euzhan Palcy de participer aux Ateliers de mise en scène de son festival du film indépendant de Sundance.
Tout semble sourire à Euzhan Palcy, aux États-Unis en tout cas, car en France elle n’obtient pas la confiance de producteurs pour monter un nouveau projet, peut-être parce qu’en traitant d’un sujet qui évoque l’esclavage et le colonialisme, elle avait touché un tabou implicite.
Elle y est passée une fois à travers, avec Rues Cases-Nègres, sujet suffisamment fédérateur, mais sur d’autres projets, n’y a-t-il pas eu une réticence qui ne disait pas son nom ?

Une Saison blanche et sèche

C’est donc aux États-Unis que, cinq ans plus tard, elle réalise Une Saison blanche et sèche, d’après le roman d’André Brink sur l’apartheid.
Elle devient, par la même occasion, la première réalisatrice noire produite par un studio d’Hollywood.
Euzhan Palcy convainc Donald Sutherland, Susan Sarandon et Marlon Brando d’être de l’aventure.
Elle va disposer d’un budget de 20 millions de dollars, soit quarante fois supérieur à celui de Rue Cases-Nègres ! Une Saison Blanche et sèche est un plaidoyer contre l’apartheid en Afrique du Sud. Quand elle prépare le film au Zimbabwe, cette ségrégation sévit encore et Nelson Mandela, futur président, est dans les geôles du pouvoir blanc depuis près de vingt-cinq ans.
Cette violence, on la retrouve dans son film.
On y voit des policiers blancs torturer des Africains et tuer des enfants, parce qu’ils en ont le droit légal et que le système à la fois les protège et les incite à le faire (avec l’argument suprême de dénier le droit de l’autre : « Qu’est-ce que tu crois qu’ils nous feraient, « eux », s’ils en avaient le pouvoir ? »).
Mais on retrouve aussi dans ce film l’idée de transmission et d’éducation morale qui étaient au cœur de Rue Cases-Nègres.
Sutherland interprète un Afrikaner qui, après l’assassinat par la police de son jardinier et du fils de celui-ci, prend conscience et se met en mouvement pour obtenir justice.
Il est bientôt rejeté par la communauté blanche, par sa femme et sa fille.
Mais son fils est de son côté, car Sutherland a su lui transmettre que la qualité première de la vie est de vivre selon une morale d’universalité de l’être humain (alors que sa femme et sa fille refusent cette vérité pour profiter des avantages de la communauté blanche).

Après Hollywood

Elle revient en France en 1992 avec un scénario original pour Siméon, son troisième long métrage, un conte musical fantastique qui se déroule en Guadeloupe et à Paris.
Un jeune musicien guidé par un esprit décide d’aller en métropole pour faire carrière.

De 1994 à 1995, elle réalise un long documentaire, Aimé Césaire, une voix pour l’Histoire, sur le célèbre poète, dramaturge et homme politique, qui a élaboré le concept de « négritude », et dont l’œuvre a eu une influence décisive sur la formation d’Euzhan Palcy.
Depuis, Euzhan Palcy vit entre Paris et Los Angeles.
En janvier 1999, la presse américaine honore son film Ruby Bridges diffusé sur la chaîne ABC où il est présenté par le Président Bill Clinton.

https://www.youtube.com/watch?v=o8ekb4ELT34

Cette œuvre relate la bataille d’une enfant de cinq ans pour mettre à bas les barrières de la discrimination raciale dans les années 1960.
Quelques mois plus tard, elle écrit pour la 20th Century Fox un long métrage d’animation, et en 2001 réalise pour la Paramount et Showtime Pictures The Killing Yard, avec Alan Alda et Morris Chestnut : un drame inédit sur la mutinerie de la prison d’Attica, dans l’État de New York en 1997, dont la répression fit des dizaines de morts parmi les prisonniers.
En 1995, François Mitterrand nomme Euzhan Palcy Chevalier de l’Ordre national du Mérite.
En 2000, elle est honorée par la Martinique qui donne son nom à un collège.
En 2004, Jacques Chirac lui décerne la Légion d’honneur.
En 2005, elle réalise Parcours de dissidents, un film documentaire pour France 5, qui lève le voile sur un pan de l’Histoire jusque-là occulté : l’importante contribution de jeunes Antillais à la défense de la France durant la Seconde Guerre mondiale.

Les « Mariés » et après

En 2006, elle tourne un téléfilm à la Réunion pour France 3, Les Mariés de l’Isle Bourbon.
Cette intrigue politique et sentimentale fait revivre les conditions de l’installation des colons français dans l’île Bourbon, qui sera rebaptisée en 1793 la Réunion.
Les mariages des colons (parmi lesquels des condamnés et des prostituées) avec les anciens esclaves venus de Madagascar sont à l’origine du métissage actuel. Euzhan Palcy a dans ses cartons un projet de film sur l’illettrisme (en écho à Rue Cases-Nègres), Midnight’s Lastride avec Sam Shepard et Ellen Burstyn, ainsi qu’un scénario d’après la biographie de la première aviatrice noire américaine, Bessie Coleman et, dans un autre registre, Filet Mignon, comédie de mœurs multiraciale.
Enfin, un projet de film lui tient particulièrement à cœur sur la vie de Toussaint Louverture (1743-1803).
Personne en France n’a voulu le produire. Mais, avec les événements tragiques qui ont eu lieu en Haïti où 300 000 personnes ont péri ensevelies dans un tremblement de terre (12 janvier 2010), la mémoire de cette île, jadis la plus riche des colonies françaises, ressurgit du fond du déni et de l’oubli.
Laissons la parole à Euzhan Palcy : « Haïti a été la première nation nègre avec un personnage légendaire, Toussaint Louverture, que Napoléon a puni pour avoir aboli l’esclavage et éduqué le peuple haïtien. Il l’a arrêté par traîtrise et l’a déporté dans la prison la plus froide d’Europe, au Fort de Joux et l’a laissé mourir de maladie. On ne parle jamais de ces choses là. Il ne faut pas non plus dire aux Français que Toussaint Louverture et son armée ont écrasé l’armada française : huit vaisseaux et les 40 000 meilleurs soldats de Napoléon. Et il ne faut surtout pas parler de cette fameuse “dette haïtienne” (environ 21 milliards d’euros). On pourrait croire que la France a prêté de l’argent à Haïti et qu’elle le lui rembourse. Ce n’est pas le cas : elle correspond aux deux louis d’or réclamés par tête d’esclave perdu par la France lorsque Haïti a arraché son indépendance. »
Euzhan Palcy, on le voit, conserve une belle capacité d’indignation, ce signe d’une éternelle jeunesse de l’humanité.
Euzhan Palcy est assurément jeune.

 

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La bande démo

Ceux de Rivière-Salée (XIXème siècle)

Rivière-salée Martinique - photos anciennes

Les habitants

En Martinique, au XIXème siècle, dans les habitations les conditions de travail demeurent assez pénibles.
Les ouvriers agricoles forment la majeure partie de la population active.

Champs de cannes en martinique - photos anciennes
Le travail dans les champs de cannes

Ils sont coupeurs, amarreuses, arrimeurs, glaneuses, nettoyeuses et travaillent durement pour un salaire dérisoire.
Les femmes et les enfants sont surtout employés aux travaux de préparation du sol.
Les ouvriers sont logés dans des cases qui n’ont guères évolué depuis la période esclavagiste.
Dans son mémoire sur « L’habitation Grand-Case », N. Sabine nous en fait une description précise :

“Elles sont bâties avec des matériaux légers : ossature et charpente en bois du pays, murs de planches ; le parquet est en terre battue, le toit en paille, est supporté par des lattes en bambou.”

Ces cases comprennent plusieurs pièces mais chaque famille d’ouvriers ne peut occuper qu’une seule pièce de 4m sur 3.5m.
Les seules ouvertures sont une porte et une fenêtre pleines qui, une fois fermées, empêchent toute pénétration d’air.
Toutes ces cases sont alignées soigneusement le long d’une ou deux rues légèrement distantes les unes des autres, formant « La rue Cases-Nègres ».
Joseph ZOBEL dans son célèbre roman « La rue Cases Nègres » nous fait une description plus que réaliste de la vie de ses habitants qui vivent dans une extrême pauvreté : ainsi la prospérité que connaît la commune, n’atteint pas la grande masse de la population.

 

train de cannes vers usines
Le transport de la canne vers l’usine

Ceux de l’usine : techniciens et contremaîtres viennent d’abord de France.

Chaque usine compte un chef sucrier et deux contremaîtres, responsable de l’administration et de la direction.
La main d’œuvre se compose d’hommes, de femmes et d’enfants.

  • Les enfants sont employés en général aux basculeurs des cannes, aux trains des moulins, a la chaufferie.
  • Les femmes sont affectées aux besognes de nettoyage, balayage et récurage de l’usine.
  • Les hommes se répartissent en deux catégories :
    – les manœuvres : leur fonction est machinale et exige aucune connaissance spéciale mais seulement un peu d’habitude ; ils assurent l’alimentation du monte-canne ou des entraineurs de bagasse ; ils sont employés à l’emballage.
    – les ouvriers : les seuls ouvriers d’art sont les forgerons, les mécaniciens, les chauffeurs de locomotive, les chaudronniers, les ajusteurs, cuiseurs, les charpentiers.

La fabrication du sucre et du rhum va de janvier à juin-juillet.
Ainsi pendant 6 à 7 mois une grande partie du personnel des usines à sucre est sans travail.
Le chômage frappe surtout les ouvriers employés à la fabrication proprement dite.
Les moins atteints par l’arrière-saison sont les forgerons, les charpentiers, l’usine les rappelant bien souvent dès octobre et quelquefois plus tôt pour l’entretien du matériel.

Ceux du petit commerce.

Eux aussi sont liés l’usine, qui, par les salaires qu’elle distribue crée une clientèle dont le pouvoir d’achat variera aussi avec les saisons. A l’arrière-saison on achètera à crédit, soldant au retour de la récolte.

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Rivière-Salée au XIXème siècle

Usine de Rivière-Salée (Petit-Bourg)

La commune va (à partir de 1860- 1870) connaitre un regain d’activité lié aux bouleversements techniques qui affectent toute la colonie en cette deuxième moitié du XIXème siècle.
Dès 1820, le premier moulin à vapeur fonctionne sous l’habitation Maupeou appelée depuis Vapeur.
Au lendemain de l’abolition de l’esclavage, le problème de la main d’œuvre se pose pour les grandes habitations, beaucoup d’ouvriers préfères s’installer sur des terres encore vierges. On parle donc de grands espoirs dans la fondation des usines.

Les deux usines

En 1879, s’achève à Rivière-Salée la construction des deux usines, celle de Petit-Bourg et de Rivière-Salée. Il s’agit d’usines centrales qui traitent la production de toute une région.
Ces deux usines se montent dans une atmosphère assez agitées car des rivalités les opposent.

Usine de Rivière-Salée
Usine de Rivière-Salée

Il faut s’assurer d’un certain nombre de garanties vu l’énormité des capitaux qu’exige une telle entreprise ; il faut, pour que l’usine puisse tourner à plein rendement, qu’elle broie la production cannière du plus grand nombre d’exploitations. Certaines vont même tenter d’instituer une situation de monopole par l’obtention de contrats de fournitures exclusives de longue durée, par l’encerclement des habitations liées par un contrat, par un réseau compliqué de voies ferrées, avec des voies dont l’écartement diffère d’un réseau à l’autre.
Toujours est-il que la création de ces deux usines va donner un coup de fouet à l’économie de la commune.
La canne sera et pour de longues années, omniprésente et ces deux unités de production seront les pôles autour desquels s’organisera la vie économique de la commune. Elles rythmeront la vie quotidienne des habitants. Tous ou presque tous seront liés :

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