L’usine Lapalun, située à Rivière-Salée, dans le Sud, fut construite de 1868 à 1871. Elle produisait de la canne à sucre sur ses neuf habitations réunies, dont les noms suivent Trénelle, Val d’or, Grande case, Nouvelle cité, Maupeou, La digue, Thoraille, Terrier, Duharoc. Dans les années 1950, l’habitation Duharoc avait remplacé la production de canne par l’élevage, mieux adapté à la nature de son terrain.
La société par actions Lapalun était propriétaire de ces neuf habitations et de l’usine. L’habitation principale était celle de Trénelle et c’est d’elle dont je vais vous parler, dans la période où j’y ai vécu et travaillé, de 1948 à 1974.
L’année 1935 avait été celle d’une des plus importantes grèves ouvrières qu’aient connu les deux usines de Rivière-Salée « la Grande marche de la faim » des ouvriers de la canne constitue un tournant dans l’histoire de la Martinique l . Le dimanche 11 février 1935, Irénée Suréna, délégué syndical des usines voisines, Lapalun et Génipa, fut arrêté à Petit-Bourg et conduit à Fort-de-France. Le lundi 12 février, plus de mille personnes s’assemblaient à Fort-de-France pour réclamer sa libération, qui fut obtenue le soir même et s’accompagna, les jours suivants, d’une augmentation des salaires et d’une réorganisation du travail.
A partir des années 1960, la mécanisation de la culture de la canne à sucre entraîna le remplacement progressif d’une partie de la main-d’œuvre et des cabrouets par des tracteurs. Ce fut dans la même période que la production sucrière de la Martinique commença à décliner.
À partir de 1974, la production de sucre de la Martinique s’effondra. Les usines à sucre disparurent au bénéfice de quelques distilleries spécialisées dans la fabrication du rhum agricole.
Dans l’entre-deux guerres, la société Lapalun avait été rachetée en totalité par Georges Marraud des Grottes. Ce dernier mourut au début de la Guerre de 1939-1945. Atteint de gangrène, il trépassa lors d’un voyage par bateau vers la France et son corps fut jeté à la mer. Son fils, prénommé lui aussi Georges (Ti-Joj, en créole), hérita de son père. La résidence du propriétaire se trouvait à l’usine de Rivière-Salée. En 1974, Marraud des Grottes décida de fermer l’usine et renonça à ses activités. Il s’installa alors au quartier Les digues où il mourut en 1988.
Source : Habitation Trenelle. Ludovic Louri. K Edition 2010.