Antoine Chérubin, chrono en main, contrôle les passages de Rose-Aimée Bacoul, Raymonde Naigre, jette un œil sur Hermann Panzo, qui prend quelques départs pour de petits sprints de cinquante mètres, et soupir Il fait chaud l’enceinte de l’Institut national des sports, ce lundi. Et les rares athlètes qui ont voulu se risquer sur la piste suent abondamment. Dans un coin, Hermann Panzo se paie maintenant une séance d’assouplissement. Puis, il revient sur la piste, se place dans les starting blocks, prend un départ au pistolet actionné par Chérubin, disparait quelques minutes derrière les frondaisons, avant de revenir, dubitatif. Plus tard, Hermann Panzo reconnaîtra : « Pas terrible comme séance… j’ai peu de sensation… je suis trop en retard actuellement… mon retour à la compétition sera délicat… Helsinki, c’est râpé… »
Cela va faire maintenant plus d’un an qu’Hermann Panzo n’a plus reparu en compétition. Deux années ou les ennuis se sont multipliées : claquage en 1981, compliqué d’une poche de sang qui n’arrivait pas à se résorber, intervention chirurgicale, cinq mois sans courir, retour en Martinique, puis ce printemps, au début du mois de juin, Panzo récolte une entorse à la cheville gauche, alors que sa préparation hivernale avait déjà du retard. Résultat : le sprinter, depuis le 15 juin, jour de son arrivée en France, a dû soigner une entorse, compliqué d’un déplacement du péroné, augmentée d’un problème de genou. La poisse totale.
« Je n’ai pu recommencer sérieusement qu’il y a huit jours, explique Hermann Panzo. Il ne faut pas croire aux miracles. Avec le Nikaia lundi, l’échéance est trop proche. Je vais en parler avec mon entraîneur, mais je ne veux pas décevoir le public, et me présenter à court de conditions. En principe, je ne serai pas à Nice… »
Les ennuis s’accumulent et Hermann Panzo prend cela avec le sourire : « Faire la tête quand tout va mal n’a jamais amélioré une situation, lâche-t-il. De toute façon, je suis vacciné depuis un an. Quand on a connu autant de malheurs à la fois, il faut bien que cela s’arrête un jour. J’ai bon espoir pour les JO de Los Angeles. (Rires.)
Je ne vais pas tricher, reprend-il. Ce n’est pas en quelques semaines qu’on peut retrouver des sensations perdues il y a plusieurs mois. Surtout lorsqu’on ambitionne le plus haut niveau. »
Panzo n’est pas dupe. Lorsqu’il enregistre les résultats à l’étranger, suit les records battus, voit même la progression de la plupart des Français, il sait bien que le retard accumulé ne se refait pas en un claquement de doigts.
« Actuellement, à l’entraînement je cours sur mes qualités naturelles, sur mon acquis. Mais je ressens rien de vraiment excitant. Déjà que j’ai besoin de grosses bases physiques pour l’hiver, avec tous mes ennuis, j’avais dû retarder ma reprise pour cette saison. Or, avant les Championnats de la Martinique je me suis fait une entorse, rappelle Panzo. Le peu d’entraînement que j’avais a été remis en question.
Et puis, arrivé en France, voilà qu’on découvre des complications au genou. Les soins ont pris encore plus de temps. Dans ma tête, j’espérais arriver au moins à quatre mois d’entraînement ce qui est peu, me voilà aujourd’hui avec quelques semaines seulement. »
Hermann Panzo avait choisi comme objectif, avant les Championnats du monde d’Helsinki, le meeting de Nice, qui précédait les Championnats de France de Bordeaux. Or voilà que Nice se trouve quasiment écarté « Je vais prévenir l’organisateur. Je ne peux décemment pas me présenter sur ma forme actuelle… » Alors que les Championnats de France apparaissent d’ores et déjà comme un ultime pari, dans la seule perspective du relais aux Championnats du monde. « J’ai besoin de retrouver de rythme, assure Hermann Panzo. Actuellement, j’en manque cruellement ; je verrai après Bordeaux et les Championnats de France, mais il faudra que j’assure un temps minimal pour espérer être compétitif, même en relais… » Panzo, Lucide, n’attend pas grand-chose de la saison en cours.
Les J.O en tête
En revanche, il a suivi de près les exploits américains en sprint. « Normal que Lewis et Smith réussissent des temps canons, assure-t-il. Ils sont ambitieux, et bénéficient d’un système, aux Etats-Unis, qui les met en compétition avec d’autres sprinters, très fort, régulièrement.
Moi, ce qui me surprendrait, c’est l’inverse. Qu’il n’y ait pas de bons sprinters aux Etats-Unis.
Regardez, en France, les garçons se résignent vite. Depuis un an, je ne cours plus. Une bonne occasion de se mettre en valeur pour d’autres. Excepté Lomba et Morinière, qui s’entraînent aux Antilles, pas une perf notable. »
Panzo dit aussi : « Je suis venu à l’athlétisme par hasard, je préférais le football, mais j’ai toujours aimé me battre sur une piste. C’est quand même la motivation première. Voilà pourquoi je n’abdique pas à vingt-cinq ans. Les JO de Los Angeles, j’espère y participer. Après, j’arrête. »
Panzo, à vingt-six ans, sera-t-il en mesure de réussir un joli coup à Los Angeles ? Lui, répond : « Pendant deux ans, je ne me serais pas frotté aux meilleurs. Ce n’est pas l’idéal. Mais si, l’hiver prochain, je ne peux m’entraîner normalement, j’espère au moins retrouver mes sensations de Moscou. » D’ici là, les Championnats du monde d’Helsinki auront peut-être creusé encore un peu plus le fossé. « Je ne suis pas du genre à me plaindre, insiste Panzo. S’il y a du monde devant moi dans une course, c’est que ce jour-là je suis moins fort. En revanche, je dirais qu’il serait temps qu’en Martinique un effort soit fait pour aménager un autre stade que celui que nous possédons à Fort-de-France. Il suffit de regarder les résultats des jeunes Antillais, aux Championnats des Jeunes, pour comprendre qu’une bonne génération d’athlètes est en train de naître. »