Nous nous le sommes souhaités il y a peu.
Mais pourquoi le mot Pâques est-il au pluriel ?
Parce que ce sont deux événements qui sont célébrés à ce moment de l’année, l’un ayant pris le dessus sur l’autre.
En effet, c’est pendant la Pâque juive qu’eut lieu la résurrection de Jésus, temps fort s’il en est pour la communauté chrétienne.
Cette fête originelle célèbre la sortie d’Egypte des Hébreux. La fête chrétienne elle, est multiple. Elle commémore à la fois la sortie d’Egypte, l’institution eucharistique lors du repas de la Pâque, la crucifixion du
Christ et son repos au tombeau durant trois jours, et sa résurrection, passage de la mort à la vie.
Si les œufs, lièvres, poules et autres cloches issus des folklores européens se multiplient dans nos commerces, un autre animal symbolise la période à la Martinique.
C’est le crabe de terre.
Apportant certainement à l’origine cet « extra » que les familles ne pouvaient s’offrir dans leur ordinaire, les crabes continuent de donner à ces journées pascales leur goût unique.
A vos Ratières, prêts ! Chassez !
De son nom savant Cardisoma Guanhumi, le crabe de terre est doté d’une carapace à la couleur variable suivant l’âge (de bleuté, gris à blanchâtre), et peut atteindre 12 cm de large.
Il vit dans les milieux humides, à proximité du rivage, comme les mangroves et les berges des cours d’eau où il creuse un terrier qui mène à une nappe d’eau souterraine.
Nombre de Saléens s’adonnent à cette activité car la commune est idéalement humide.
Capturés à l’aide de «ratières», ces pièges en bois dotés d’une trappe, les crabes, nettoyeurs de la nature, doivent jeûner pour être purgés, avant que leur soit administré un régime à base de fruits, canne à sucre, noix de coco et pi.ment, qui donne à leur chair son goût particulier.
Selon l’arrêté préfectoral du 9 décembre 2002, cette chasse n’est permise que du 15 février au 15 juillet, et ne concerne que les individus dont la carapace dépasse 7 cm de largeur.Il s’agit ensuite d’aller relever ses pièges régulièrement, pour éviter qu’un indélicat l’ait débarrassé avant soi de son petit prisonnier à pinces.Si le dispositif a bien fonctionné, et si le crabe est toujours là, s’en saisir sans se blesser n’est qu’une formalité pour tout chasseur expérimenté.
La chasse étant ouverte encore quelques mois, il est en.core temps de vous entraîner ; ce petit schéma vous per.mettra de fabriquer votre propre ratière :
En tirant sur l’appât, le crabe fait retomber le couvercle qui bouche la sortie vers son trou.Une pierre amarrée sur le dessus du piège accélère la chute du couvercle et empê.che les crabes les plus forts de le soulever.
La tradition du crabe à Rivière-Salée
La pêche aux crabes était spécifique à la commune. Dans sa monographie sur la commune G.Desportes nous en parle de manière savoureuse et précise.
«Vers le 24 juin, fête patronale, au début de la chute des grandes eaux, les crabes abandonnent leurs humides demeures, leurs trous inondés et se mettent à vagabonder un peu partout, moitié sautant, moitié rampant, explorant de l’œil les mangles transformés en étang.
Alors, dévalant vers Rivière-Salée, les habitants de Rivière-Pilote avec leur sacs et leurs chevaux bâtés et leur flambeaux de résine, ceux du Diamant avec leurs lanternes vénitiennes au grand dam des grand bourgeois (Saléens) qui préféraient conserver pour eux seuls la bonne aubaine.
A sept heures du soir, partout où se plongent les regards, on voit une illumination pareille à celle des cimetières durant les fêtes de la Toussaint.
Les demi-mondaines sont trop huppées pour se permettre d’aller aux crabes, aussi lancent-elles des quolibets à tous ceux qui passent.
Mais si vous voulez les voir à l’œuvre, allez vers les deux heures du matin dans les savanes qui voisinent le bourg.
Les dames, par crainte de la boue ont retroussé leur jupe jusqu’à mi genou et ont ceint leurs reins d’une écharpe ou d’un mouchoir, d’où le terme créole accepté par toute la Martinique : « I marré en la Rivière-Salée ».
Malheureusement, très souvent ces réjouissances se terminaient mal, et en 1835 le gouverneur prenait un arrêté inter.disant cette activité.
Arrêté concernant La chasse aux crabes aux flambeaux
Fort Royal, le 13 août 1835
Nous gouverneur de la Martinique
-Vu l’article II de la loi du 24 avril 1833 sur le régime législatif de la colonie- Attendu que la chasse aux crabes aux flambeaux outre qu’elle peut occasionner des incendies donne lieu à des rixes fréquentes entre les chasseurs et les propriétaires dont les premières traversent en tous sens les terres et plantations. Sur le rapport du directeur de l’administration intérieure
Avons arrêté et arrêtons :
Art 1 – La chasse aux crabes aux flambeaux est expressément inter.dite à tous autres qu’aux propriétaires sur leurs propres terres ou aux personnes autorisées d’eux spécialement et par écrit.
Art 2 – Les contravention au précédent article sont punies de l’amende de 61 à 100 F sans préjudice de l’emprisonnement de 5 à 15 jours en cas de récidive.