La ville
Que sera l’année olympique de Panzo ? (1984)
Gravement blessé à la cuisse et stoppé pendant deux saison, le numéro 1 du sprint français effectuera sa rentrée aux Championnats indoor les 18 et 19 février à l’INSEP.
Patrick Bourbeillon, l’entraîneur national du sprint, était mi-figue, mi-raisin. Samedi à l’issue de la journée de sélection. Côté gris : la modeste prestation des sprinters en général. Côté rose : l’annonce du retour d’Hermann Panzo mi-février, à l’occasion des Championnats de France à l’INSEP (18-19 février) sur 60m. Un retour particulièrement attendu en cette année olympique. Rappelons que le Martiniquais avait été le meilleur sprinter. Français de ces dernières années, devenant notamment finaliste olympique sur 100m à Moscou en 1980 (record personnel 10″24) en obtenant une brillante troisième place en Coupe d’Europe en 1981 en 10″29 avant de s’imposer lors du meeting « Golden sprint » de Berlin en 10″14, hélas avec 2,30m de vent favorable, devant les Wells (champion olympique à Moscou), Lattany et autres Floyd. Performance qui le plaçait dans les tout meilleurs Européens avant les Championnats d’Europe d’Athènes de 1982. Hélas ! Mille fois hélas ! « Sup-Hermann » devait gravement se claquer en mai 1982, et depuis, de pseudo-amélioration en rechutes, on ne l’a plus revu en grande compétition. On comprend donc que non seulement d’un point de vue individuel mais également en ce qui concerne le relais 4x400m dans lequel la présence d’un tel finisseur est primordiale, la guérison de Panzo soit attendue avec impatience. « Il s’est entraîné avec nous une partie du stage et semble avoir parfaitement récupérer musculairement, nous affirmait Bourbeillon. Il n’a rien perdu de ses qualités intrinsèques et est toujours aussi puissant. Il peut d’ores et déjà accélérer franchement et malgré un départ toujours déficient, il est en mesure d’aller « chercher » les meilleures coureurs présents sur de courtes distances. Ce qui est très positif. »
« En revanche, continue Bourbeillon, il est encore un peu juste au niveau de la condition physique me semble-t-il. Il lui reste encore beaucoup de travail foncier à faire pour tenir plusieurs courses d’affilée. D’ici à un mois, il a encore le temps de s’affûter. » En poussant les choses un peu loin, on peut se demander si, à 26 ans et après deux années d’interruption quasi complète avec la compétition, Hermann Panzo est en mesure de recoller au peloton de tête des meilleurs mondiaux même en ayant retrouvé l’intégrité de ses moyens physiques.
« Tout dépendra de sa motivation, répond, Bourbeillon. Il reste virtuellement le plus fort de nos athlètes mais il est indispensable qu’il se replonge très rapidement dans le grand bain et qu’il s’entraîne d’arrache-pied sous la férule de son entraîneur Lucien Sainte-Rose en qui j’ai toute confiance. »
« Sup-Hermann » de retour donc. Un come-back qui sera suivi avec l’intérêt que l’on imagine. Pour quelle année olympique ?…
Hermann Panzo : « Ne pas croire au miracle » (L’équipe 1983)
Antoine Chérubin, chrono en main, contrôle les passages de Rose-Aimée Bacoul, Raymonde Naigre, jette un œil sur Hermann Panzo, qui prend quelques départs pour de petits sprints de cinquante mètres, et soupir Il fait chaud l’enceinte de l’Institut national des sports, ce lundi. Et les rares athlètes qui ont voulu se risquer sur la piste suent abondamment. Dans un coin, Hermann Panzo se paie maintenant une séance d’assouplissement. Puis, il revient sur la piste, se place dans les starting blocks, prend un départ au pistolet actionné par Chérubin, disparait quelques minutes derrière les frondaisons, avant de revenir, dubitatif. Plus tard, Hermann Panzo reconnaîtra : « Pas terrible comme séance… j’ai peu de sensation… je suis trop en retard actuellement… mon retour à la compétition sera délicat… Helsinki, c’est râpé… »
Cela va faire maintenant plus d’un an qu’Hermann Panzo n’a plus reparu en compétition. Deux années ou les ennuis se sont multipliées : claquage en 1981, compliqué d’une poche de sang qui n’arrivait pas à se résorber, intervention chirurgicale, cinq mois sans courir, retour en Martinique, puis ce printemps, au début du mois de juin, Panzo récolte une entorse à la cheville gauche, alors que sa préparation hivernale avait déjà du retard. Résultat : le sprinter, depuis le 15 juin, jour de son arrivée en France, a dû soigner une entorse, compliqué d’un déplacement du péroné, augmentée d’un problème de genou. La poisse totale.
« Je n’ai pu recommencer sérieusement qu’il y a huit jours, explique Hermann Panzo. Il ne faut pas croire aux miracles. Avec le Nikaia lundi, l’échéance est trop proche. Je vais en parler avec mon entraîneur, mais je ne veux pas décevoir le public, et me présenter à court de conditions. En principe, je ne serai pas à Nice… »
Les ennuis s’accumulent et Hermann Panzo prend cela avec le sourire : « Faire la tête quand tout va mal n’a jamais amélioré une situation, lâche-t-il. De toute façon, je suis vacciné depuis un an. Quand on a connu autant de malheurs à la fois, il faut bien que cela s’arrête un jour. J’ai bon espoir pour les JO de Los Angeles. (Rires.)
Je ne vais pas tricher, reprend-il. Ce n’est pas en quelques semaines qu’on peut retrouver des sensations perdues il y a plusieurs mois. Surtout lorsqu’on ambitionne le plus haut niveau. »
Panzo n’est pas dupe. Lorsqu’il enregistre les résultats à l’étranger, suit les records battus, voit même la progression de la plupart des Français, il sait bien que le retard accumulé ne se refait pas en un claquement de doigts.
« Actuellement, à l’entraînement je cours sur mes qualités naturelles, sur mon acquis. Mais je ressens rien de vraiment excitant. Déjà que j’ai besoin de grosses bases physiques pour l’hiver, avec tous mes ennuis, j’avais dû retarder ma reprise pour cette saison. Or, avant les Championnats de la Martinique je me suis fait une entorse, rappelle Panzo. Le peu d’entraînement que j’avais a été remis en question.
Et puis, arrivé en France, voilà qu’on découvre des complications au genou. Les soins ont pris encore plus de temps. Dans ma tête, j’espérais arriver au moins à quatre mois d’entraînement ce qui est peu, me voilà aujourd’hui avec quelques semaines seulement. »
Hermann Panzo avait choisi comme objectif, avant les Championnats du monde d’Helsinki, le meeting de Nice, qui précédait les Championnats de France de Bordeaux. Or voilà que Nice se trouve quasiment écarté « Je vais prévenir l’organisateur. Je ne peux décemment pas me présenter sur ma forme actuelle… » Alors que les Championnats de France apparaissent d’ores et déjà comme un ultime pari, dans la seule perspective du relais aux Championnats du monde. « J’ai besoin de retrouver de rythme, assure Hermann Panzo. Actuellement, j’en manque cruellement ; je verrai après Bordeaux et les Championnats de France, mais il faudra que j’assure un temps minimal pour espérer être compétitif, même en relais… » Panzo, Lucide, n’attend pas grand-chose de la saison en cours.
Les J.O en tête
En revanche, il a suivi de près les exploits américains en sprint. « Normal que Lewis et Smith réussissent des temps canons, assure-t-il. Ils sont ambitieux, et bénéficient d’un système, aux Etats-Unis, qui les met en compétition avec d’autres sprinters, très fort, régulièrement.
Moi, ce qui me surprendrait, c’est l’inverse. Qu’il n’y ait pas de bons sprinters aux Etats-Unis.
Regardez, en France, les garçons se résignent vite. Depuis un an, je ne cours plus. Une bonne occasion de se mettre en valeur pour d’autres. Excepté Lomba et Morinière, qui s’entraînent aux Antilles, pas une perf notable. »
Panzo dit aussi : « Je suis venu à l’athlétisme par hasard, je préférais le football, mais j’ai toujours aimé me battre sur une piste. C’est quand même la motivation première. Voilà pourquoi je n’abdique pas à vingt-cinq ans. Les JO de Los Angeles, j’espère y participer. Après, j’arrête. »
Panzo, à vingt-six ans, sera-t-il en mesure de réussir un joli coup à Los Angeles ? Lui, répond : « Pendant deux ans, je ne me serais pas frotté aux meilleurs. Ce n’est pas l’idéal. Mais si, l’hiver prochain, je ne peux m’entraîner normalement, j’espère au moins retrouver mes sensations de Moscou. » D’ici là, les Championnats du monde d’Helsinki auront peut-être creusé encore un peu plus le fossé. « Je ne suis pas du genre à me plaindre, insiste Panzo. S’il y a du monde devant moi dans une course, c’est que ce jour-là je suis moins fort. En revanche, je dirais qu’il serait temps qu’en Martinique un effort soit fait pour aménager un autre stade que celui que nous possédons à Fort-de-France. Il suffit de regarder les résultats des jeunes Antillais, aux Championnats des Jeunes, pour comprendre qu’une bonne génération d’athlètes est en train de naître. »
Hermann Panzo : « j’aurais gagné » (1982)
Une coquette maison de bois sur les hauteurs de Fort-de-France.
Un fauteuil dans le salon, à côté d’une chaîne hi-fi et d’une imposante pile de disques.
C’est là qu’Hermann Panzo, le sprinter français n˚1, a vécu les championnats d’Europe d’Athènes.
Sans enthousiasme ni regret : « Athènes, c’est le bout du monde. J’en suis très loin par la distance.
Quand je ne cours pas, je prends du recul. A la limite, on pourrait même dire que l’athlétisme ne m’intéresse plus.
J’ai suivi les championnats à la télé, comme n’importe quel individu, et non comme un athlète. »
C’est clair : Panzo ne sombre pas.
Le décor s’y prête d’ailleurs assez peu. Entouré de sa femme Jocelyne et de son fils Nicolas, un bambin de sept mois, il a surmonté la déception d’une saison gâchée par une blessure.
Surmonté, et non oublié : « Je suis blessé, c’est tout. Je prends la vie comme elle vient. Avec fatalisme. » Il est même parvenu à s’enthousiasmer pour Rose-Aimée Bacoul, Chantal Réga et leurs médailles de bronze…
En revanche, il a été déçu par l’élimination de Lomba, l’autre Hermann du sprint français, en demi-finale du 200m : « Il manque encore de maturité. Mais s’il continue à travailler, je pense qu’il sera au niveau mondial dans deux ans. » Guerre des Sup’Hermans en perspective. « On verra bien sur les pistes, mais ne faites pas de comparaisons hâtives. Lui c’est Lomba, moi, Panzo. Nous avons nos qualités et nos défauts. Il ne suffit pas d’avoir le même prénom, d’être antillais et noirs pour être semblables. »
A première vue, Hermann 1er ne paraît pas blessé. Il se déplace sans problème.
Il pourrait même courir ou sauter. Uniquement lorsqu’il force, une gêne douloureuse revient derrière la cuisse. La blessure est maintenant presque cicatrisée. Elle lui aura gâché toute la saison, et aura sans doute privé la France d’une médaille bien venue. Lui en est certain. Ses propos sont ceux d’une sorte de Cassius Clay à la française.
« Si j’étais allé à Athènes, j’aurais gagné. Je visais la victoire, c’est évident.
Bien sûr, beaucoup de gens vont penser qu’il est facile de le dire après coup, et que je suis prétentieux. Moi, je ne rentre jamais sur une piste pour terminer second. Quand on est second, on est battu. D’ailleurs, vu la manière dont cela s’est passé à Athènes, j’affirme que j’aurai gagné sans difficulté… »
Motif de son credo, qui semble destiné à la rassurer lui-même : Emmelman l’a emporté en 10″21, alors qui lui avait prévu de réaliser 10″10 ou 10″15. « Sûr je l’aurai tapé ! », s’exclame-t-il. L’art et la manière de s’imposer dans un fauteuil, depuis un fauteuil… Sans nostalgie, aucune. « Je n’y étais pas, un point c’est tout.
A vingt-quatre ans il me reste encore beaucoup de choses à prouver, à gagner. J’étais programmé pour réaliser un « truc » à Athènes, tant pis. »
Opinion confirmée par Michel Lourie, le responsable du sprint masculin : « Les énormes possibilités d’Hermann ont été révélées lorsqu’il fut champion d’Europe juniors à Donetsk, en 1978. On a découvert une autre facette de son talent à Moscou, où il entra en finale de 100m avant d’être médaillé avec le relais. Mais le véritable Panzo devait se réaliser cette saison. C’est-à-dire un sprinter capable de devenir champion d’Europe, tant par ses qualités physiques que psychiques. »
Mais cette fois, le physique n’a pas tenu la route.
Panzo voyageait pourtant sur orbite européenne depuis la fin de l’année passée.
Depuis qu’au « Golden sprint » de Zurich il avait dominé Wells, le champion olympique, et les Américains, Floyd et Lattany en tête. Une performance qui lui donnait de nouvelles ambitions pour 1982. Pour le préparer, Michel Lourie lui concocte alors une tournée américaine, fin avril, à l’instar de Roger Bambuck quatorze ans plus tôt.
Le début des ennuis. D’abord, à San Antonio, il se trompe d’horaire et arrive au stade alors que Lewis a déjà terminé l’épreuve. A San José, deuxième étape, il gagne le 100m et le 200m mais devant des « second couteaux »… Enfin, à Reino, la catastrophe. Il se blesse. Rien de bien grave, dit-on. Il préfère toutefois renoncer à un meeting en Jamaïque et au Mémorial Marie-Perrine, chez lui, à Fort-de-France.
Panzo se ménage. Il reprend l’entraînement peu à peu et retrouve ses moyens. Mais le mal est tenace et se réveille début juillet. Repos. Hermann y croit encore. Le 29 juillet, il rentre trois jours en Martinique pour le baptême de son fils. Au soleil, le moral remonte et il donne rendez-vous à Michel Lourie pour un ultime test, le 11 août à l’INSEP.
Il s’échauffe, trottine. Tout bon. Il s’impose un effort.
Perdu, retour à la case départ.
Trente mètres de course lui suffisent pour être fixé. La douleur est là et le force à abdiquer. Adieu les rêves, et adieu les championnats d’Europe. Il ne lui reste plus qu’à retourner à la maison, retrouver sa famille, ses disques et ses romans policiers qu’il dévore les uns après les autres. Il bouge peu et avoue s’ennuyer franchement, en attendant de reprendre l’entraînement. Il y retrouva celui qu’il considère comme son véritable entraîneur, Lucien Sainte-Rose. C’est « Lulu », comme il l’appelle, qui lui a fait découvrir les bienfaits d’un entraînement rigoureux et soigneusement élaboré. « Je lui dois tout », explique-t-il.
Reste encore la crainte de la rechute, même s’il n’ose l’évoquer, sans doute par superstition. La jambe tiendra-t-elle ? Il n’en doute pas un instant : « Je suis stimulé par les coups durs. En 1982, j’avais de grandes ambitions ; je les reporte seulement en 1983. » Les années impaires lui réussissent d’ailleurs mieux que les paires. Autant de motifs pour se lancer dans le sprint-fiction.
Pour se venger, il compte retourner aux Etats-Unis en début de saison.
Puis, il se préparera aux championnats de France : non seulement il veut y double 100m et 200m, mais aussi s’attaquer aux records de France ! Ensuite, ce sera le grand moment de l’année : les premiers championnats du monde d’athlétisme à Helsinki. De son fauteuil, un an de l’échéance, Panzo ne craint personne.
Il prend même des rendez-vous précis : « Je n’ai pas peur de Lewis ou Smith. S’il faut faire dix seconde électriques pour monter sur le podium, je le ferai ! Je vous promets une revanche après cette année ratée : je serai dans les trois premiers, et si possible, avec de l’or. Je n’ai jamais douté jusqu’à maintenant de mes possibilités. Ce n’est pas une blessure qui va me faire perdre mon assurance. »
Autre date sur l’échéancier : Les Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Encore pour le titre, bien entendu… Ensuite, a priori, il pense ranger cette vitesse définitivement. « Je raccrocherai à vingt-six ans, médaille en poche ! » Hermann a déjà de nouvelles ambitions sportives : la course automobile, une véritable passion. Il passe tous ses dimanches après-midi sur les bas-cotés des courses de côte en Martinique. « Je réussirai, vous savez. La différence entre le commun des mortels et le champion c’est que le champion n’a pas de complexe… »
La blessure. Panzo : quatre mois de repos (1982)
Après de longs mois d’espoir, de déception, d’hésitations, de remise en question, Hermann Panzo s’est enfin décidé à passer sur la table d’opération.
Le meilleur sprinter tricolore de ces dernières années sera, en effet, opéré de sa cuisse, aujourd’hui à l’hôpital de la Pitié.
Pourtant, la saison de l’Antillais avait très bien commencé par un bon 10″35 à San Jose aux Etats-Unis, début mai. Jamais de son propre aveu il n’avait préparé la saison européenne avec un tel enthousiasme, avec un tel sérieux, son but c’était tout bonnement le titre européen à Athènes et, sa victoire au « Sprint d’Or » l’an dernier à Berlin n’était pas étrangère aux nouvelles ambitions d’Hermann.
Ce jour-là, en effet, en 10″14 (vent fav) il avait laissé derrière lui des athlètes de réputation mondiale, en particulier le champion olympique de la distance Allan Wells.
Tout s’annonçait bien, puis vint le meeting de Fresno le 9 mai. Là encore, face à un vent de 1,50m, Panzo l’emportait en 10″59, mais il avait ressenti une petite douleur à la base de la cuisse droite. C’était le début de quatre mois d’incertitude. Au début, cette blessure fut prise comme un banal accident de parcours mais, au fil des semaines, l’inquiétude s’est faite plus précise. Son entrée fut d’abord prévue aux championnats de France, puis différée.
A la place, le dimanche matin. Michel Lourie, l’entraîneur national du sprint et Pierre Ribette son kinésithérapeute lui firent faire un test. Panzo s’échauffa longuement puis, après quelques lignes droites en un 80m en 10″2, avoua ressentir une légère douleur. Le jeudi et le vendredi précédents, le docteur Krzentowski avait effectué des ponctions de sang dans sa cuisse blessée.
Après une nouvelle échotomographie le lundi pour vérifier l’état des fibres musculaires, il fut décidé de faire le test définitif le mardi après-midi à l’INSEP. Après une heure d’échauffement, l’instant capital, celui qui déciderait de son déplacement à Athènes avait sonné.
Panzo se mit au bout de la ligne droite et s’élança mais, au bout de trente mètres, il se relevait. C’était fini pour la Grèce. Il fallait reporter tous ses espoirs pour 1983. Vint le temps des vacances, les premières vraies vacances depuis 1976. C’était il y a un mois et demi…
Depuis, pas d’amélioration « Bien sûr, il est possible à l’Antillais de faire des footings, précise le professeur Saillant qui va l’opérer aujourd’hui, mais dès qu’il appuie un peu sur sa cuisse blessé ou qu’il accélère il ressent une douleur. Malgré plusieurs ponctions, la poche sanguine se reforme à nouveau. Il était certes possible avec un très long repos, que l’hématome se résorbe de lui-même mais c’était tout de même risqué. Tout pouvais aller jusqu’à 75% de l’allure, mais au-dessus on risquait que cela craque de nouveau. L’année des premiers championnats du monde d’Helsinki et à la veille des Jeux Olympiques c’était tenter le diable. Car deux ans sans courir, c’était la fin de sa carrière. Nous allons donc consolider les fibres déchirées et nettoyer leur environnement. C’est une opération bénigne pour le commun des mortels mais qui, pour un athlète de haut niveau, est très préoccupante. En tout état de cause Hermann Panzo devra observer trois à quatre mois de repos. » Il reste à l’Antillais de s’armer de patience et à espérer.
Alain LUNZENFICHTER
Hermann Panzo : l’exploit (02 Août 1981 – Vidéo)
Flash-back. 02 Août 1981. La nuit est tombée sur Berlin-Ouest. Il fait froid. Il pleut. Le vent glacial souffle favorablement pour les sprinters à 2m30/seconde.
C’est bientôt le départ du 100m de ce prestigieux challenge qu’est le Goldensprint.
Tout le gratin mondial du sprint est au rendez-vous. Dans un coin, le grand Hermann Panzo termine son échauffement. Déterminé. Concentré. Wells, le favori, le champion Olympique de Moscou, semble serein. Les Américains Floyd, Philips, Lattany, mâchouillent leur caractéristique chewing-gum en toute décontraction. Le starter rappelle tous les concurrents dans l’habituel « à vos marque ».
Une fois de plus, Hermann est quelque peu resté dans ses blocs, au départ. Wells, quant à lui, s’en est éjecté comme une boule de canon.
Il est en tête après 30m de course. Deux mètres derrière, Panzo se place et la qualité de ses appuis s’avère meilleure.
Commence alors un spectacle étonnant, après 50m de course : Le Français, dans un style très pur et très puissant, revient, centimètre par centimètre, millimètre par millimètre sur les Américains, et se lance à la poursuite d’Allan Wells.
Hermann Panzo est maintenant lancé. Ses membres inférieurs moulinent à une vitesse folle.
Sa foulée s’amplifie. Et dans un dernier rush ultra-puissant, il se jette sur la ligne serrant les dents ; bombant le torse, en même temps que Wells. Des centaines de photographes se précipitent vers Wells, croyant tenir le vainqueur mais une heure plus tard, le bruit court que le vainqueur serait, non pas le Britannique mais le Français, en…10″14 ! Stupéfaction.
Néanmoins, ce résultat sera confirmé, et Panzo est donc bien le vainqueur du Goldensprint.
Le lendemain, c’est la joie dans la presse française. « L’Equipe » titre : « Monsieur Sup’Hermann ».
En une soirée, Panzo a gagné sa place dans l’élite mondiale.
Article du journal l’Equipe Athlétisme de l’envoyé spécial à Berlin Ouest, Philippe Dreyfus
Panzo surprend Wells : 10’14 (v.f.)
Berlin-Ouest. Cette fois, c’est une évidence. Le sprint français détient en Hermann Panzo un sprinter d’envergure mondiale qui va dans les semaines ou dans les mois à venir prendre la succession de Roger Bambuck.
Effectivement, hier soir, sur la nouvelle piste du stade Olympique de Berlin, Herman Panzo a maîtrisé tous ses rivaux et remporté la « Golden sprint ». Comme par miracle la pluie avait cessé juste avant le départ de cette finale qui promettait tellement même si Carl Lewis, légèrement blessé et James Standford étaient absents.
Panzo était au couloir 6 avec, à ses cotés, Lattany au 5, Floyd au 4 et surtout Allan Welles, le champion Olympique au 3.
…. Il entrait définitivement parmi l’élite mondiale. Car c’est effectivement une prouesse qu’il a réussie en devançant les seigneurs du sprint tels que Allan Wells mais aussi Lattany, qu’on avait vu surpuissant à Zurich il y a trois jours et Flyod le petit prodige de l’an passé.
Un petit regret pourtant, le vent était un soupçon trop favorable (2.30/m) pour permettre l’homologation de ce 10’14 officiel qui approchait de 3/100 de seconde le vieux record de France de Roger Bambuck en 1968 à Mexico.
Qu’importe, le champion d’Europe juniors de Donetz en 1977 a saisi une bonne occasion qui se présentait à lui. Il est maintenant l’un des seigneurs du sprint…
Hermann Panzo. Finale du 100m, Moscou 1981. (Vidéo)
Participants:
- Aleksandr Aksinin
- Allan Wells
- Hermann Panzo
- Marian Woronin
- Osvaldo Lara, Petar Petrov
- Silvio Leonard
- Vladimir Muravyov
Demi-finale de la coupe d’Europe à Villeneuve d’Asq – Le 4x 100 m : « Des regrets »
« Il fallait amener le bâton au bout. »
Tel est le refrain des relayeurs français après leur deuxième place derrière le quatuor de la RDA.
Quelques regrets, quand même, pour ceux qui manquèrent pour six petits centièmes une victoire qui aurait effacé les deux défaites subies devant ce même adversaire par le plus petit écarts ( un centième) il y a deux ans dans la coupe d’Europe précédente.
« Ça me fait quand même râler, reconnaissait Hermann Panzo, le dernier relayeur, j’ai cru que j’allais avaler l’Allemand de l’Est, mais il avait pris une trop grande avance lors de la prise de relais. »
Il faut bien admettre que la transmission entre l’Antillais et Antoine Richard fut loin d’être parfaite.
« C’est ma faute, reconnaît Panzo. Je me suis élancé trop tôt, aussi ai-je dû me freiner et cette hésitation a fait qu’Antoine est arrivé trop vite. »
Les choses n’avaient d’ailleurs pas trop bien commencé pour le relais tricolore puisque Philippe le Joncour commit un faux départ.
« Ça m’a évidemment handicapé pour le départ suivant, reconnaissant le Breton. Dommage car je me suis senti parfaitement bien dans mon parcours. »
Antoine Richard, qui ne fut pas loin d’être le plus impressionnant des quatre, déplorait de n’avoir pu mettre Panzo sur la voie du succès.
« Ça n’a pas tout à fait baigné dans l’huile, disait-il. En ce qui me concerne, je pense avoir fait un bon virage. »
On retiendra quand même, au-delà des erreurs de transmission du témoin, que le relais français a encore amélioré sa meilleure performance de l’année.
« 39″09 pour notre deuxième sortie (après celle de Bourges), remarquait Bernard PetitBois, c’est tout de même encourageant. »
Le quatuor français, qui rêve de représenter le Vieux continent en Coupe du monde, devrai quand même mettre un terme aux hésitations constatées à Lille s’il veut aller au bout de son ambition, même si Hermann Panzo est catégorique quant à sa compétitivité :
« A pareille époque, le relais, qui a fini troisième à Moscou, n’était pas aussi fort. »
Michel Lourie, l’entraîneur du relais français, proposait une analyse quelque peu différente des erreurs constatées, tout en soulignant lui aussi que le quatuor national était sur une courbe encore plus prometteuse que l’an passé.
« Contrairement aux avis recueillis ici et là, je pense que la plus grosse perte de temps (peut-être 15/100) est due à un mauvais passage entre Bernard Petitbois et Antoine Richard et non pas ce dernier et Hermann Panzo. »
- Thierry Vigneron et Jean-Claude Perrin étaient très peu diserts après le concours : les dents serrés par la déception ils refusèrent tout net de perler. Finalement on finit par savoir par la rumeur des couloirs que l’ex-recordman du monde avait été en délicatesse avec sa course d’élan ; le record de Mâcon ayant été un accident heureux.
- Joseph Mahmoud troisième sur le steeple, mais encore sous les 8″30 : il est rassurant de constater que je casse maintenant cette barrière à tout coup. Le record de France est désormais un objectif immédiat. »
- Hermann Panzo et Serge Guillen ont été invités au meeting de Milan mercredi soir. Le meilleur sprinteur français aura affaire à forte partie sur 100 mètres puisque la nouvelle étoile du sprint américain, Carl Lenis, sera là en compagnie de son compatriote Stanley Floyd.
- EMMELMANN, l’Allemand de l’Est « tombeur » de Panzo sûr 100m : « quel départ il a pris ! J’ai du mal à revenir, mais ce Panzo, il est quand même très bon ! »
- PANZO, après son 100m « J’étais complètement crispé sur la fin ; impossible de changer de rythme. Décidément, Charléty, c’était un coup de veine. Il me reste maintenant à faire beaucoup de compétitions pour retrouver le relâchement qui me fait défaut. »
- BOURDIN, 6eme au 400m, mais nouveau record personnel (46″50) : « J’étais pourtant bien dans l’allure au 300m, mais après, tout s’est enchaîné très vite : un peu dépasser à l’emballage final, je me suis rendu compte qu’il me restait à faire l’apprentissage du 400m. »
- PINABEL, 4eme en longueur avec une nouvelle performance au-delà de 7,60m : « Cette régularité à plus de 7,60m en compétition internationale va me donner une confiance accrue. J’ai toujours beaucoup plus de « jus », mais je manque encore de finesse technique. Il y a des choses à revoir à l’impulsion. Enfin, ce début de saison est déjà largement positif. Si aux championnats de France j’arrivais à placer un saut aux alentours de 7,80m, je serais comblé. »
- LUTUI, 4eme au javelot, mais relativement alerte après son accident de tennis à l’œil : « Je suis content de constater que, malgré mon accident à l’œil, je me suis rapproché des 80m (78,26). J’ai un regret toutefois : celui d’avoir laissé passer le lanceur italien. Pour l’équipe, c’est dommage. Ma saison est déjà largement positive, puisque, après mon opération à l’épaule de l’an dernier, je m’étais fixé comme but de retrouver le chemin des 80m, ce qui fut fait à Saint-Etienne. Il est encore trop tôt pour penser au record de France. Qu sait, l’an prochain…