Joseph Zobel, de Rivière-Salée au monde entier

On pense toujours tout connaitre de nos Grands Saléens… et pourtant.
Aujourd’hui l’oeuvre de Joseph Zobel, reprise depuis des décennies sous plusieurs éditions, en livre, bd, expos…

Allons plus loin…

Le manuscrit de la Rue Cases Nègres (reproduction soumise à autorisation) – voir sur le site des Archives


Joseph Zobel, la négritude et le roman – selon Louise Hardwick

Cet ouvrage est l’aboutissement d’un projet de recherche de grande envergure que l’Université de Birmingham avait confié à Louise Hardwick, professeure en études postcoloniales francophones, sur le thème « Joseph Zobel : Négritude’s Novelist? The Transnational Politics of a French Caribbean Author working between the Caribbean, Africa and Europe » (Joseph Zobel : le romancier de la Négritude ? La politique transnationale d’un auteur de la Caraïbe française œuvrant entre Caraïbe, Afrique et Europe). Louise Hardwick rappelle dans les remerciements en tête de son ouvrage qu’elle a fait plusieurs séjours de recherche en Martinique dès 2013 et participé à diverses manifestations dans le cadre de l’année du Centenaire de la naissance de Joseph Zobel en 2015, sur l’île, mais aussi au Salon du Livre de Paris.
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Pour en savoir plus sur Joseph Zobel


Joseph Zobel et la question du mythe (vidéo)

Michelle MONROSE, Professeur de Lettres Modernes, aborde l’héroïsme, le mythe et l’épopée dans deux romans de Joseph Zobel. Elle souligne que l’imaginaire collectif martiniquais s’est retrouvé profondément influencé par toutes les histoires personnelles des personnages qui ne sont en réalité que le reflet d’une Histoire collective. Au travers des destins singuliers, parfois picaresques voire épiques, Zobel dresse une galerie de portraits qui a marqué et marquera longtemps encore l’écriture, l’inconscient (et le conscient), la pensée et la part collective de rêve (de fantasme ?) d’un peuple. Lieux, personnages, événements ; tout concoure à l’érection d’une de motifs récurrents qui fondent une écriture zobélienne ancrée dans le paysage, le parler, l’imaginaire martiniquais.
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Joseph Zobel et Euzhan Palcy : deux architectes du rêve et des arts caribéens

Jean-Georges CHALI, MCF-HDR, Université des Antilles, considère Zobel comme un archéologue de la pensée, de la langue, de la culture créole. La main de l’écrivain rétablit les choses et elle en fait jaillir l?essence du monde. C’est le Moi qui se met debout, le mot volant au secours de la dignité enracinant l’être dans un réel nouveau qu’il fait désormais sien en dépit des attentes néfastes du maître. Le maître est désemparé car pour la première fois le poète va asperger l’avant-scène du monde de sa sève poétique. Dès lors, s’établit sous la plume de Zobel un rapport différent qui ne relève plus ni de l’asservissement, ni de la propriété individuelle. Il crée déjà l’idée de la langue rebelle et de l’érection volcanique du sujet pour écrire sur les tablettes de basalte le nouveau code de l’émancipation et du discours laminaire, forgeant la conscience collective. La puissance des mots qui se dessinent sous les doigts du sculpteur zobélien expose au-devant de ce monde égoïste et prêt à tout dominer, de nouvelles valeurs, un sens philosophique de la vie que plus rien ne peut contredire et que nul ne peut nier. La force du mot jaillit du morne et la terre aride s’offre à Diab’-la pour donner à Philomène l’envie d’exister. C’est la magie du mot zobélien qui déconstruit l’ancien, le dégradé, le cloaque, pour reconstruire au nom de la volonté et de un espace sain, un monde de liberté et un homme d’épanouissement.
Voir la vidéo : http://www.manioc.org/fichiers/V15350


Joseph Zobel : présence et réalité martiniquaise du départ

Monique MILIA MARIE-LUCE, Maître de conférences en histoire à l’Université des Antilles, s’intéresse à l’oeuvre de Joseph Zobel sous l’angle des migrations. L’ouvrage peu connu, La Fête à Paris (1953), permet d’analyser la vie des Martiniquais à Paris avant les grands départs de la période du BUMIDOM.
Voir la vidéo : http://www.manioc.org/fichiers/V15358

Les lettres inédites de Joseph Zobel

Extrait de : Emily Zobel Marshall et Jenny Zobel, « « Comme si c’était chez moi » : Joseph Zobel à Paris à travers ses lettres (1946-1947)  », Continents manuscrits [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 15 mars 2017, consulté le 21 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/coma/853 ; DOI : 10.4000/coma.853

Jenny Zobel, fille de l’écrivain martiniquais Joseph Zobel, et Emily Zobel Marshall, petite-fille de Joseph Zobel, ont découvert récemment des manuscrits inédits de leur père et grand-père. 

Portrait de Joseph Zobel

Il s’agit, d’une part, d’une collection de lettres envoyées par Joseph en 1946-1947 depuis Paris à sa femme et à son ami martiniquais Valbrun Apat, et, d’autre part, d’extraits de son journal intime des années 1940. Elles nous proposent une analyse qui répondrait à la question « Qu’apporte la lecture de ces manuscrits à l’étude des œuvres de Joseph Zobel ? »

En 1946, Joseph Zobel quitta la Martinique pour Paris. Il partait pour y poursuivre ses études et établir sa réputation d’écrivain. Les lettres que Joseph écrivit pendant son séjour dans la capitale, à sa femme Enny et son ami d’enfance Valbrun Apat nous offrent un rare portrait de la vie d’un écrivain noir immigré et de la vie et de la culture parisiennes, à mi-chemin entre tradition et réforme, tandis qu’il se débat face aux défis posés par cette période d’après-guerre.

Joseph s’embarqua le 29 novembre 1946 à Fort-de-France, à bord du Colombie

Joseph s’embarqua le 29 novembre 1946 à Fort-de-France, à bord du Colombie, un paquebot qui allait jouer un rôle vital pour lui pendant cette année. Auteur d’un recueil de nouvelles, Laghia de la Mort, et de plusieurs articles pour le journal de Fort-de-France, Le Sportif, cet écrivain en herbe avait 31 ans. Enny restait au pays pour attendre la naissance de leur troisième enfant. Pour Joseph, comme pour de nombreux Martiniquais qui avaient reçu une éducation française à l’école du village, la France représentait le pays des opportunités. C’était le berceau de la langue et de la culture françaises, sans lesquelles on ne pourrait pas progresser dans la vie. Joseph était convaincu que la France le reconnaîtrait et l’établirait comme un écrivain célèbre et respecté. Ce qu’il ne soupçonnait pas, c’est à quel point ce départ, en fait, serait définitif, puisque qu’il ne retournerait jamais vivre en Martinique.

Les lettres de Joseph passent allègrement du grandiose au prosaïque, de la métaphysique aux détails domestiques, des méditations sur la nature de l’être humain à la description minutieuse d’assiettes et de casseroles neuves. Elles nous offrent une perspective de sa détermination, de son sentiment de libération, loin des contraintes de la Martinique, de ses bouffées d’espoir et aussi de ses combats et son amour compliqué pour son île natale. Les lettres fournissent des instructions détaillées aux destinataires. Par ailleurs, dans l’une, on trouve l’autoportrait d’un exilé déprimé, dans une autre, le héros d’une histoire de brillante réussite, fêté par l’intelligentsia parisienne.

Soigneusement pliées et rangées dans un petit sac en tissu madras bleu et rouge…

C’est Enny, âgée de 90 ans, et dans une maison de retraite, qui donna un jour ces lettres à Jenny. La femme de l’écrivain les avait conservées toute sa vie comme un trésor. Soigneusement pliées et rangées dans un petit sac en tissu madras bleu et rouge, qu’elle avait dû coudre spécialement, les vingt-cinq missives écrites à l’encre sur fin papier bleu, témoignages d’amour, de frustrations et d’exaltation, avaient passé toutes ces années au fond d’un tiroir secret de son armoire. Il faut noter que Joseph, lui, n’avait pas gardé les lettres de sa femme, ce qui fait que malheureusement, le dialogue est dans un sens seulement. On ne peut que deviner les réponses d’Enny par les références faites par Joseph au contenu de ses lettres.

Lire ces lettres ici : https://journals.openedition.org/coma/853

ZOBEL, le Saléen de la rue Cases-Nègres

Auteur de la rue cases nègres - rivière-salée

La ville de Rivière-Salée a initié « 2015 l’année Zobel ».
Cet hommage a permis au public de découvrir toutes les richesses de l’oeuvre de Joseph Zobel. Son objectif est de consolider durablement les nouvelles dynamiques portées par les nombreuses initiatives artistiques et culturelles de qualité.
Ce mouvement vers la connaissance et la reconnaissance de l’importance de l’oeuvre de cet écrivain se tournera très naturellement vers les nouvelles générations. La rencontre du public avec les oeuvres est une des composantes fondamentales de notre ambition qui vise à démocratiser l’ensemble de l’oeuvre de l’auteur.

La ville de Rivière-Salée veut de manière pérenne :

  • Promouvoir une oeuvre de portée universelle de part sa diversité et sa richesse.
  • Accompagner le plein accès à la compréhension des oeuvres de Joseph Zobel.
  • Consolider l’héritage laissé par Joseph Zobel en poursuivant des actions de promotion au-delà de l’année 2015.
  • Bâtir une synergie de réflexions intellectuelles, de recherches, et de créations artistiques autour de l’oeuvre de Joseph Zobel.
  • Renforcer la capacité de son oeuvre à inscrire les peuples dans une vivifiante humanité.

Pour en savoir plus :
http://www.josephzobel.com/

Biographie d’Euzhan Palcy

Photos du film d'Euzhan Palcy d'après Joseph Zobel

Filmographie

  • 1974 La Messagère (TV)
  • 1982 L’Atelier du diable (CM)
  • 1983 Rue Cases-Nègres
  • 1989 A Dry White Season
    (Une Saison blanche et sèche)
  • 1990 Comment vont les enfants ?
  • 1991 Siméon
  • 1994 Aimé Césaire :
    A Voice For History
  • 1998 Le Combat de Ruby Bridges (TV)
  • 2001 The Killing Yard
  • 2006 Parcours de dissidents
    (documentaire)
  • 2007 Les Mariés de l’Isle Bourbon (TV)

Biographie

Source : canopé

Débuts

Née à la Martinique en 1956, Euzhan Palcy passe son enfance au Gros-Morne.
Elle s’initie au cinéma à la salle paroissiale du village, puis à Fort-de-France.
Elle a une douzaine d’années quand, en 1968, elle assiste au village à une projection d’Orfeu Negro.
Le film de Marcel Camus (1958) est pour elle un choc déterminant : voir sur un écran des Noirs qui s’aiment et s’embrassent comme des Blancs est une révélation.

Elle découvre aussi l’ouvrage de Joseph Zobel, La Rue Cases-Nègres, que lui offre sa mère que ce livre touchait aux larmes.
Dès l’adolescence, alors qu’elle caresse déjà le rêve de devenir réalisatrice, elle songe à adapter son livre de chevet.
À dix neuf ans, elle anime une émission de poésie dans une télévision locale et sort un disque de chansons enfantines (elle est soprano colorature).

En 1974, elle écrit et réalise un téléfilm avec son frère Joël : la diffusion de La Messagère à la télévision antillaise est un succès. Ce titre représente Euzhan Palcy de manière emblématique, elle qui conçoit le cinéma comme une mission, sans militantisme, mais avec le besoin viscéral de dénoncer les injustices.
Sa grande volonté calme où couve la révolte ainsi que sa fine beauté évoquent un autre messager charismatique de la cause noire, le chanteur jamaïcain de reggae rastafari Bob Marley.

Encouragée par son père, elle poursuit à Paris des études de théâtre, de littérature, puis de cinéma à l’École nationale supérieure Louis-Lumière. Après avoir été assistante, elle réalise en 1982 un court métrage pour France 3, L’Atelier du diable, un conte où un enfant s’aventure dans la mystérieuse maison d’un vieux « sorcier » qui vit reclus avec son coq de combat.

Genèse du film “La Rue Cases-Nègres”

Peu après, elle rencontre François Truffaut qui la parraine. Puis arrivent deux jeunes producteurs, Michel Loulergue et Jean-Luc Ormières et surtout le producteur et distributeur Claude Nedjar (Lacombe Lucien de Louis Malle, La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud, etc.) et la société de Louis Malle (la Nef).
Euzhan Palcy obtient pour le scénario adapté de La Rue Cases-Nègres, à l’unanimité du jury, l’avance sur recettes du Centre National de la Cinématographie.
Néanmoins, le montage financier est difficile.
Le projet séduit parce qu’on y voit un petit Français pauvre, Antillais et noir qui s’élève par sa persévérance et grâce à l’éducation dispensée par l’école républicaine. Mais le projet gêne car il rappelle que la République française a été esclavagiste, colonialiste, et que les Antillais en sont la mémoire vivante, les témoins et les victimes.
La crainte de certains bailleurs de fonds est que le film provoque un sentiment de culpabilité de la part de ceux qui ne connaissent pas ou ne veulent pas connaître l’histoire de France.
L’autre crainte des financiers du cinéma est qu’un tel film ne soit communautariste.
Mais derrière cet argument « à l’envers », la véritable interrogation est : en quoi cette histoire de « nègres » va-t-elle intéresser les Blancs, et plus particulièrement les enfants blancs ? (Michel Ocelot, préparant Kirikou, se heurtera au même argument).
La réponse est pourtant simple : deux des attitudes les mieux partagées au monde sont d’une part la haine des autres et de la différence, d’autre part la curiosité, la fascination, le désir pour l’altérité.
Souvent, derrière la différence réelle entre cultures et couleurs de peau, on découvre que nos ressemblances nous unissent autant que nos différences nous attirent.
Le film (dont le budget s’est élevé à environ 3,5 millions de francs, soit environ 500 000 euros) remporte quatre récompenses à la Mostra de Venise, dont le Lion d’Argent et le Prix d’Interprétation pour Darling Légitimus.
L’année suivante (1984), il remporte le César de la meilleure première œuvre.
Rue CasesNègres remporte ainsi plus de dix-sept prix internationaux et obtient un succès public international.

À sa sortie, le film resta quarante semaines en exploitation à Paris où il fit 360 000 entrées.

Après le beau temps

La même année, Robert Redford offre à Euzhan Palcy de participer aux Ateliers de mise en scène de son festival du film indépendant de Sundance.
Tout semble sourire à Euzhan Palcy, aux États-Unis en tout cas, car en France elle n’obtient pas la confiance de producteurs pour monter un nouveau projet, peut-être parce qu’en traitant d’un sujet qui évoque l’esclavage et le colonialisme, elle avait touché un tabou implicite.
Elle y est passée une fois à travers, avec Rues Cases-Nègres, sujet suffisamment fédérateur, mais sur d’autres projets, n’y a-t-il pas eu une réticence qui ne disait pas son nom ?

Une Saison blanche et sèche

C’est donc aux États-Unis que, cinq ans plus tard, elle réalise Une Saison blanche et sèche, d’après le roman d’André Brink sur l’apartheid.
Elle devient, par la même occasion, la première réalisatrice noire produite par un studio d’Hollywood.
Euzhan Palcy convainc Donald Sutherland, Susan Sarandon et Marlon Brando d’être de l’aventure.
Elle va disposer d’un budget de 20 millions de dollars, soit quarante fois supérieur à celui de Rue Cases-Nègres ! Une Saison Blanche et sèche est un plaidoyer contre l’apartheid en Afrique du Sud. Quand elle prépare le film au Zimbabwe, cette ségrégation sévit encore et Nelson Mandela, futur président, est dans les geôles du pouvoir blanc depuis près de vingt-cinq ans.
Cette violence, on la retrouve dans son film.
On y voit des policiers blancs torturer des Africains et tuer des enfants, parce qu’ils en ont le droit légal et que le système à la fois les protège et les incite à le faire (avec l’argument suprême de dénier le droit de l’autre : « Qu’est-ce que tu crois qu’ils nous feraient, « eux », s’ils en avaient le pouvoir ? »).
Mais on retrouve aussi dans ce film l’idée de transmission et d’éducation morale qui étaient au cœur de Rue Cases-Nègres.
Sutherland interprète un Afrikaner qui, après l’assassinat par la police de son jardinier et du fils de celui-ci, prend conscience et se met en mouvement pour obtenir justice.
Il est bientôt rejeté par la communauté blanche, par sa femme et sa fille.
Mais son fils est de son côté, car Sutherland a su lui transmettre que la qualité première de la vie est de vivre selon une morale d’universalité de l’être humain (alors que sa femme et sa fille refusent cette vérité pour profiter des avantages de la communauté blanche).

Après Hollywood

Elle revient en France en 1992 avec un scénario original pour Siméon, son troisième long métrage, un conte musical fantastique qui se déroule en Guadeloupe et à Paris.
Un jeune musicien guidé par un esprit décide d’aller en métropole pour faire carrière.

De 1994 à 1995, elle réalise un long documentaire, Aimé Césaire, une voix pour l’Histoire, sur le célèbre poète, dramaturge et homme politique, qui a élaboré le concept de « négritude », et dont l’œuvre a eu une influence décisive sur la formation d’Euzhan Palcy.
Depuis, Euzhan Palcy vit entre Paris et Los Angeles.
En janvier 1999, la presse américaine honore son film Ruby Bridges diffusé sur la chaîne ABC où il est présenté par le Président Bill Clinton.

https://www.youtube.com/watch?v=o8ekb4ELT34

Cette œuvre relate la bataille d’une enfant de cinq ans pour mettre à bas les barrières de la discrimination raciale dans les années 1960.
Quelques mois plus tard, elle écrit pour la 20th Century Fox un long métrage d’animation, et en 2001 réalise pour la Paramount et Showtime Pictures The Killing Yard, avec Alan Alda et Morris Chestnut : un drame inédit sur la mutinerie de la prison d’Attica, dans l’État de New York en 1997, dont la répression fit des dizaines de morts parmi les prisonniers.
En 1995, François Mitterrand nomme Euzhan Palcy Chevalier de l’Ordre national du Mérite.
En 2000, elle est honorée par la Martinique qui donne son nom à un collège.
En 2004, Jacques Chirac lui décerne la Légion d’honneur.
En 2005, elle réalise Parcours de dissidents, un film documentaire pour France 5, qui lève le voile sur un pan de l’Histoire jusque-là occulté : l’importante contribution de jeunes Antillais à la défense de la France durant la Seconde Guerre mondiale.

Les « Mariés » et après

En 2006, elle tourne un téléfilm à la Réunion pour France 3, Les Mariés de l’Isle Bourbon.
Cette intrigue politique et sentimentale fait revivre les conditions de l’installation des colons français dans l’île Bourbon, qui sera rebaptisée en 1793 la Réunion.
Les mariages des colons (parmi lesquels des condamnés et des prostituées) avec les anciens esclaves venus de Madagascar sont à l’origine du métissage actuel. Euzhan Palcy a dans ses cartons un projet de film sur l’illettrisme (en écho à Rue Cases-Nègres), Midnight’s Lastride avec Sam Shepard et Ellen Burstyn, ainsi qu’un scénario d’après la biographie de la première aviatrice noire américaine, Bessie Coleman et, dans un autre registre, Filet Mignon, comédie de mœurs multiraciale.
Enfin, un projet de film lui tient particulièrement à cœur sur la vie de Toussaint Louverture (1743-1803).
Personne en France n’a voulu le produire. Mais, avec les événements tragiques qui ont eu lieu en Haïti où 300 000 personnes ont péri ensevelies dans un tremblement de terre (12 janvier 2010), la mémoire de cette île, jadis la plus riche des colonies françaises, ressurgit du fond du déni et de l’oubli.
Laissons la parole à Euzhan Palcy : « Haïti a été la première nation nègre avec un personnage légendaire, Toussaint Louverture, que Napoléon a puni pour avoir aboli l’esclavage et éduqué le peuple haïtien. Il l’a arrêté par traîtrise et l’a déporté dans la prison la plus froide d’Europe, au Fort de Joux et l’a laissé mourir de maladie. On ne parle jamais de ces choses là. Il ne faut pas non plus dire aux Français que Toussaint Louverture et son armée ont écrasé l’armada française : huit vaisseaux et les 40 000 meilleurs soldats de Napoléon. Et il ne faut surtout pas parler de cette fameuse “dette haïtienne” (environ 21 milliards d’euros). On pourrait croire que la France a prêté de l’argent à Haïti et qu’elle le lui rembourse. Ce n’est pas le cas : elle correspond aux deux louis d’or réclamés par tête d’esclave perdu par la France lorsque Haïti a arraché son indépendance. »
Euzhan Palcy, on le voit, conserve une belle capacité d’indignation, ce signe d’une éternelle jeunesse de l’humanité.
Euzhan Palcy est assurément jeune.

 

En savoir plus :

La bande démo

La rue cases-nègres (le film)

Photos du film d'Euzhan Palcy d'après Joseph Zobel

1930. Au milieu d’une immense plantation, la rue Cases Nègres : deux rangées de cases de bois désertées par les adultes partis travailler la canne à sucre. La rue appartient aux enfants et surtout à José, 11 ans, orphelin élevé par sa grand-mère, Man Tine. Celle-ci n’a qu’un rêve : faire étudier José. Mais pour cela, il faudra quitter la rue Cases Nègres… Rue Cases-Nègres (1983) Euzhan Palcy, d’après le roman de Joseph Zobel La rue Cases-Nègres.

La bande annonce

https://www.youtube.com/watch?v=8_CtKwG9Ktchttps://youtu.be/1KAaCy88544

Synopsis

L’empire colonial français est à son apogée, l’Exposition coloniale de 1931 va se tenir à Paris. À la Martinique, l’esclavage a été aboli en 1848, mais les Blancs « békés » contrôlent toujours l’économie et les Noirs sont toujours misérables, travaillant pour quelques sous dans les plantations de canne à sucre. Dans la bourgade de Rivière-Salée, les békés vivent dans de somptueuses villas, les Noirs dans des cases de bois et de paille alignées dans ce lieu-dit : rue Cases-Nègres.
La journée, les parents travaillent aux champs, et les enfants vont à l’école, obligatoire pour tous depuis la loi républicaine de Jules Ferry. Lorsque arrivent les vacances, les enfants, livrés à eux mêmes à leur plus grande joie, sont les maîtres de la rue Cases-Nègres.
Puis vient la rentrée des classes.
José, 11 ans, est un bon élève, curieux et attentif. M’man Tine, la grand-mère affectueuse qui élève José, fait tout pour qu’il puisse, grâce à l’instruction, vivre une vie meilleure que la sienne, elle qui s’est échinée au travail.

Photos du film d'Euzhan Palcy d'après Joseph Zobel
« l’instruction est la clé qui ouvre la deuxième porte de notre liberté »

L’instituteur noir, qui a écrit au tableau que « l’instruction est la clé qui ouvre la deuxième porte de notre liberté », estime que José peut obtenir une bourse. Sage du village et mémoire de la communauté, M. Médouze a pris José sous son aile et lui apprend de nombreuses choses sur la vie, la nature, le passé d’esclaves de leurs ancêtres. Mais un jour, José le trouve mort.
José obtient son certificat d’études puis, par concours, un quart de bourse, insuffisant pour lui permettre de payer ses études. Alors M’man Tine quitte le village pour aller vivre avec José à la capitale, Fort-de-France. Elle travaille encore plus dur qu’avant, lavant, reprisant, repassant le linge des propriétaires.
Quand, par ses bons résultats, José se voit attribuer une bourse complète, M’man Tine peut enfin souffler.
Rassurée sur le sort de son petit José, elle peut mourir. « M’man Tine est allée dans l’Afrique de M. Médouze. »
José va continuer à étudier à Fort-de-France, mais il emportera avec lui sa rue Cases-Nègres.

Source : Canopé

 

Récompenses

Lion d’argent et prix d’interprétation féminine (Darling Legitimus) au Festival de Venise 83. César du premier film. Prix UNICEF. Prix de la critique (Houston USA)

Equipe

Interprètes martiniquais : Darling Legitimus (Man Tine), Gary Cadenat (José), Joby Bernabé, Max Cilla, Léon De la Guigneraye, Jean-Claude Duverger, Marie-Ange Farot-Bernabé, Francisco, Maïté Marquet, Henri Melon, Eugène Mona, Joseph René-Corail, Edgar Septua, Joseph Zobel. Producteurs associés : Michel Loulergue, Jean-Luc Ormières, Claude Nedjar. Coût : 6 M F.

Participations

CNC 1 ,7 M F, Fort-de-France 0,4 M F. Département 30 000 F. Rivière-Salée 10 000 F. Crédit artisanal 10 000 F. Concours de SGCA, La Mauny, L’Hygiène mentale, Association Acier trempé.

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